Ne créons pas deux classes de patients hébergés

«En 2022, nous avons le devoir collectif d’offrir aux aînés du Québec les soins sécuritaires qu’ils méritent», croit l'autrice.
Photo: Marie-France Coallier Le Devoir «En 2022, nous avons le devoir collectif d’offrir aux aînés du Québec les soins sécuritaires qu’ils méritent», croit l'autrice.

Depuis déjà trop longtemps, de multiples questions sont régulièrement soulevées dans l’espace public quant aux services offerts à nos aînés vivant dans des CHSLD privés du Québec. Comme acteurs de premier plan du réseau de la santé, les pharmaciens d’établissement, soit ceux œuvrant dans nos hôpitaux et nos CHSLD, ont souvent fait part de leurs préoccupations quant à la qualité des soins prodigués dans les CHSLD privés. Bien entendu, le réseau public fait lui aussi face à certains défis, notamment en ce qui concerne le manque de personnel, mais force est d’admettre que les problèmes sont encore plus criants dans le réseau privé. La pandémie de COVID-19, surtout lors de la première vague, nous a d’ailleurs rappelé cette triste réalité.

Plus récemment, l’enquête publique de la coroner Géhane Kamel est venue mettre en lumière les circonstances entourant le décès de 53 personnes au cours de cette première vague. Le 16 mai dernier, la coroner rendait public son rapport, dans lequel elle fait un constat qui ne peut pas être plus clair : « Les CHSLD privés sont malheureusement une solution non viable si l’on veut offrir une qualité de soins digne de ce que les personnes âgées méritent », mentionne-t-elle en toutes lettres. Les propos de la coroner viennent donc corroborer le constat que fait l’APES depuis longtemps. Afin de remédier à cette situation, Me Kamel recommande au gouvernement du Québec de convertir tous les CHSLD privés en CHSLD privés conventionnés.

De l’avis de l’APES, cette proposition de la coroner Kamel demeure cependant insuffisante. Nous croyons que le gouvernement doit aller plus loin et convertir tous les CHSLD privés en CHSLD publics afin que ces établissements soient placés sous la gouverne des CISSS et des CIUSSS, ce qui n’est pas le cas pour les CHSLD privés conventionnés. Faire passer tous les établissements au réseau public comporterait plusieurs avantages pour un suivi plus adéquat des patients, notamment sur le plan des soins pharmaceutiques.

Citons, entre autres, des clientèles communes aux hôpitaux et aux lieux d’hébergement, soit majoritairement des personnes âgées vulnérables, et la nécessité pour les CHSLD de disposer de ressources existantes dans les hôpitaux, telles que des professionnels travaillant en équipe interdisciplinaire, des expertises diverses, un circuit du médicament sécuritaire et des protocoles de soins tirés des meilleures pratiques.

De plus, si une hospitalisation est nécessaire, le fait que les CHSLD et leur personnel soignant fassent partie des établissements de santé aide à coordonner les soins et les services, en plus d’assurer leur continuité lors du retour en milieu d’hébergement. Pour les pharmaciens présents en CHSLD, la communication directe avec la pharmacie du CISSS ou du CIUSSS de même que l’accès à l’expertise de pairs dans des secteurs spécialisés (ex. : infectiologie, gériatrie, cardiologie, etc.) peuvent faciliter l’obtention de réponses essentielles aux soins à prodiguer.

En 2022, nous avons le devoir collectif d’offrir aux aînés du Québec les soins sécuritaires qu’ils méritent. Le Plan santé du ministre Dubé offre au gouvernement la chance de prendre les décisions qui s’imposent, et cela commence par l’uniformisation des soins des CHSLD au Québec, en les intégrant tous au réseau public. Rappelons que les CHSLD privés conventionnés, tout comme les CHSLD privés, doivent à tout prix produire des bilans financiers positifs.

Or, en situation pandémique ou dans toute autre circonstance exceptionnelle, la préoccupation budgétaire doit être mise de côté pour prioriser les soins aux patients. Pour le bien de nos aînés, ne créons pas deux classes de patients hébergés.

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