Nier l’Holocauste est un crime raciste

«La Shoah est un des faits historiques les plus documentés de l’histoire humaine, par les perpétrateurs et les victimes», écrivent les auteurs.
Photo: Agence France-Presse «La Shoah est un des faits historiques les plus documentés de l’histoire humaine, par les perpétrateurs et les victimes», écrivent les auteurs.

Dans sa Loi d’exécution du budget de 2022 déposée le 28 avril, le gouvernement fédéral a inclus des dispositions criminalisant la négation de l’Holocauste. Non seulement nous applaudissons cette initiative, nous l’avons aussi appelée de tous nos vœux depuis un certain temps.

Déjà en février dernier, le député conservateur Kevin Waugh (Saskatoon–Grasswood) avait présenté le projet de loi C-250 sur le sujet, permettant alors de mettre la question au premier plan à la Chambre des communes, et, avec les engagements pris dans le budget 2022, force est de constater que cette mesure importante dans la lutte contre l’antisémitisme reçoit un vaste appui parmi les élus.

La Shoah est un des faits historiques les plus documentés de l’histoire humaine, par les perpétrateurs et les victimes. Comme l’a affirmé Me Martin Imbleau dans les pages du Devoir du 16 mars 2007 : « Le négationnisme est une forme d’antisémitisme et de racisme. »

Ainsi, nier la Shoah est un indicateur, oui, de la haine du Juif. Mais c’est aussi un troublant marqueur de radicalisation, dont la société dans son ensemble fera un jour immanquablement les frais. Ce qui commence par les Juifs ne finit jamais avec les Juifs.

La question n’est donc pas de savoir si la négation de l’Holocauste est choquante, offensante ou blessante.

Selon les dernières données de Statistique Canada, les Juifs représentent 1 % de la population canadienne, mais sont pourtant la cible de 62 % des crimes haineux reportés dirigés vers un groupe religieux. Comme l’a affirmé en entrevue au Devoir en juin 2021 Irwin Cotler, ex-ministre fédéral de la Justice et envoyé spécial du Canada pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme, l’antisémitisme a atteint un niveau jamais vu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Les sources de l’antisémitisme sont multiples. La haine du Juif peut évidemment émaner de l’extrême droite, mais aussi de l’extrême gauche de même que des cercles islamistes extrémistes, tel que l’a montré une enquête en profondeur de l’Union européenne.

C’est pourquoi il est nécessaire de nous doter de plusieurs instruments afin de lutter contre ce cancer. L’interdiction de la négation de l’Holocauste est un de ces instruments.

Nous sommes d’avis que ceci peut se faire tout en respectant la liberté d’expression protégée tant par la Charte des droits et libertés de la personne du Québec que par la Charte canadienne des droits et libertés.

D’autres pays démocratiques avec d’aussi solides protections des libertés que nous, tels que la France, la Belgique, l’Allemagne et la République tchèque, ont interdit la négation de l’Holocauste, car c’est une forme de discours haineux. En janvier dernier, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution contre la négation de l’Holocauste.

L’antisémitisme évolue et mue selon les lieux et les époques. Les Juifs ont été — et sont — attaqués pour leurs croyances religieuses, pour leur identité comme minorité ethnique ou nationale, pour leur application du droit à l’autodétermination. C’est pourquoi notre boîte à outils collective doit inclure une variété d’outils pour lutter contre cette idéologie toxique et pernicieuse.

Nous pensons notamment à l’inclusion de l’Holocauste dans le programme scolaire, une stratégie efficace et musclée pour lutter contre la haine en ligne incluant un régime réglementaire indépendant et l’obligation faite aux réseaux sociaux d’être les premiers répondeurs pour lutter contre la haine sur leurs plateformes, de l’aide financière pour la mise en place d’un programme semblable au Community Security Trust britannique, une meilleure formation des forces de l’ordre, des procureurs et des juges pour lutter contre les crimes haineux.

La lutte contre l’antisémitisme nécessite un engagement de tous les secteurs de la société, appuyés par des autorités publiques volontaires. L’interdiction de la négation de l’Holocauste est primordiale à ce défi. Comme l’écrivait Imbleau cité plus haut : « L’équation est simple : pour réhabiliter la pensée raciste, la tache qu’est la Shoah doit disparaître. » C’est ce que nous ne pouvons laisser arriver.

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