Des lignes d’attaques de la course à la chefferie conservatrice

Nous assisterons bientôt aux débats pour la chefferie du Parti conservateur du Canada. Le premier se déroulera le 11 mai, à Edmonton ; le second le 25 mai, à Montréal. Ce calendrier anticipé n’est pas une coïncidence : les débats auront lieu avant la date critique du 3 juin, date limite pour vendre des cartes aux membres pour pouvoir voter lors de l’élection du 10 septembre.
Nous avons eu, cette semaine, un aperçu des lignes d’attaques des deux principaux candidats, chacun faisant valoir les faiblesses de son adversaire. Jean Charest, le premier, a jeté le gant, dimanche dernier sur CTV, en déclarant que Pierre Poilievre s’était disqualifié en soutenant les camionneurs, ce qui revenait à légitimer le blocus de l’économie canadienne. M. Charest a repris l’argument en soirée à Tout le Monde en parle, en précisant que les lois ne sont pas « un buffet où l’on choisit ce que l’on aime et ce que l’on n’aime pas ! » À son avis, on ne peut être à la fois législateur et populiste à l’américaine, ciblant ici Pierre Poilievre.
Les prestations télévisées de Charest ont fait mouche, même s’il a mieux performé en anglais. Plus combatif dans son échange avec Evan Solomon sur CTV, il était davantage sur la défensive à Tout le monde en parle face à un Guy Lepage qui, public québécois oblige, ne le lâchait pas sur son bilan comme ancien premier ministre du Québec.
Les camps Poilievre et Charest se sont également affrontés lundi dans l’émission politique quotidienne de CTV par le biais d’un panel très animé opposant Jenni Byrne, ancienne directrice de campagne de Stephen Harper et aujourd’hui conseillère de Pierre Poilievre, et Tasha Kheiriddin, coprésidente de campagne de Jean Charest.
Faux conservateur
Marteler que Charest n’est pas un vrai conservateur, tel est le message du camp Poilievre. On rappelle que Charest soutient la taxe carbone et qu’il avait augmenté la TVQ alors même que Stephen Harper diminuait la TPS. Plus polémiques, sa position sur les armes d’épaules et son soutien au registre vont à l’encontre des politiques du Parti conservateur.
Cette stratégie d’attaque de Poilievre contre Charest est la même que celle adoptée par Erin O’Toole dans sa course contre Peter MacKay, quand il l’avait qualifié de « quasi » libéral (Liberal-lite). Cela contraint Jean Charest au retranchement, l’obligeant chaque fois à réaffirmer son conservatisme avant de pouvoir parler de son programme.
Mélanie Paradis, ancienne codirectrice de la campagne d’O’Toole, a pourtant fait son mea culpa sur Twitter à propos de cette stratégie. C’était idiot, a-t-elle dit, dans un pays où 35 % de la population se définissent comme libéraux. Facile à dire, a posteriori, surtout quand cela a d’abord fonctionné.
Convoi, crypto et Huawei
Concernant les camionneurs, on peut s’attendre à ce que Pierre Poilievre passe à l’offensive. La meilleure défense, c’est l’attaque ! Reprenant l’argument de Jenni Byrne sur CTV, Pierre Poilievre ne manquera pas de rappeler que Candice Bergen, élue cheffe du Parti conservateur par intérim par le caucus, a, elle aussi, appuyé les camionneurs. Doit-elle donc démissionner ? demandera certainement M. Poilievre à M. Charest.
Quant aux cryptomonnaies comme moyen pour lutter contre l’inflation, Mme Byrne était manifestement sur la défensive, comme le sera M. Poilievre lors des débats. Se positionner sur les cryptomonnaies est une bonne stratégie de recrutement de membres. Cependant, on le sait, l’enfer est pavé de bonnes intentions, et inclure l’inflation n’était pas judicieux. Cela a enlevé de la crédibilité à son message. Populisme et rigueur ne font pas bon ménage.
Tasha Kheiriddin a enfin défendu la position de M. Charest sur Huawei, sujet sur lequel il continue d’être fragilisé, comme on l’a vu à Tout le monde en parle. Que Charest ait pu travailler à promouvoir la 5G pour l’entreprise chinoise tout en travaillant à la libération des deux otages canadiens suscite l’interrogation, pour le moins.
Jenni Byrne et Tasha Kheiriddin ont respecté leur plan de match et, déjà, les lignes d’attaque se dessinent. En regardant cette simulation annonciatrice du débat à venir, je n’ai qu’un regret : Kheiriddin a de la prestance dans sa défense de Jean Charest. Dommage qu’elle ne soit pas candidate.