Sortir le climat de l’environnement

«La gouvernance climatique ne provoque pas des réductions immédiates en mégatonnes de CO2, mais elle est essentielle pour coordonner la lutte et s’assurer de l’atteinte des cibles», écrit l'auteur.
Photo: Olivier Zuida Le Devoir «La gouvernance climatique ne provoque pas des réductions immédiates en mégatonnes de CO2, mais elle est essentielle pour coordonner la lutte et s’assurer de l’atteinte des cibles», écrit l'auteur.

Les ministres de l’Environnement du Canada et du Québec se sont fait allègrement varloper dans les derniers jours en raison de leur timidité en matière climatique, surtout dans le contexte de la publication du troisième et dernier volet des rapports du GIEC.

Le ministre québécois Benoit Charette s’est notamment fait reprocher de manquer d’ambition parce qu’il a dit qu’il est impossible de hausser les cibles de réduction des gaz à effet de serre d’ici 2030. Il se fait reprocher aussi son appui au projet de troisième lien entre Québec et Lévis et son manque d’ambition quant à l’électrification des transports.

Du côté fédéral, Steven Guilbeault a sûrement vécu la pire semaine de sa vie politique à la suite de la décision du gouvernement Trudeau d’autoriser le projet Bay du Nord, qui viendra ajouter au moins 200 000 barils de pétrole par jour. Il s’agit d’un projet complètement insensé, alors que le GIEC dit qu’il faut plafonner les émissions mondiales de GES au plus tard en 2025 et que l’Agence internationale de l’énergie affirme qu’il faut renoncer à tout nouveau projet d’exploitation d’énergie fossile.

J’ai moi-même contribué à ces critiques à l’Assemblée nationale, dans les médias traditionnels et sur les réseaux sociaux. C’est mon rôle et j’essaie de l’assumer au maximum en proposant constamment des solutions.

Cependant, à la décharge de ces deux ministres, disons que ceux-ci ne peuvent prendre sur leurs seules épaules l’entièreté de la responsabilité climatique des gouvernements. Limiter le réchauffement planétaire à 2 °C, idéalement à 1,5 °C, d’ici la fin du siècle, comme le prescrit l’Accord de Paris, exige une mobilisation sans précédent de l’ensemble de l’appareil gouvernemental, qui n’est pas adapté à ce défi, et ce, tant au fédéral qu’au provincial.

La gouvernance climatique ne provoque pas des réductions immédiates en mégatonnes de CO2, mais elle est essentielle pour coordonner la lutte et s’assurer de l’atteinte des cibles. Le ministère de l’Environnement du Québec est l’un des enfants pauvres du budget de l’État, comptant à peine 0,4 % du budget des dépenses gouvernementales. Il a des responsabilités réglementaires et techniques en matière d’évaluation environnementale, de contrôle, d’inspection, etc.

Pourtant, en matière climatique, les gouvernements doivent agir sans compromis en transports, en aménagement du territoire, en agriculture, en économie, en énergie et, évidemment, en santé. Le Conseil du trésor doit aussi agir dans l’autorisation des divers programmes gouvernementaux, dans la gestion des dépenses, en approvisionnement et pour avoir des infrastructures durables. On ne peut confier à un seul ministre, aussi écolo soit-il, toute la responsabilité de la transformation radicale de la société que cette crise sans précédent commande.

Autrement dit, il faut sortir le climat de l’environnement.

Oui, il faut critiquer les porteurs actuels des enjeux climatiques au sein des gouvernements, mais il est impératif de diriger aussi la pression sur leurs collègues et, surtout, sur les premiers ministres. Ce sont ces derniers qui doivent porter l’enjeu climatique au plus haut sommet de l’État et donner l’ordre de marche à l’ensemble des ministres. Malheureusement, aucun des premiers ministres présentement en fonction n’est à la hauteur du défi.

Les administrations publiques canadienne et québécoise sont restées figées au XXe siècle. La crise climatique commande de revoir la gouvernance de l’État avec des premiers ministres courageux qui prendront réellement cet enjeu au sérieux et qui partageront la responsabilité de réduire les GES avec l’ensemble des membres du Conseil des ministres. L’urgence de la situation l’exige.

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