Le « Grand chantier pour les familles » ne doit exclure aucun enfant

«Les principes ayant mené aux modifications législatives et réglementaires qui permettent aux enfants d’accéder aux systèmes d’éducation et de santé doivent prévaloir a fortiori en matière de petite enfance», écrit l'autrice.
Photo: Getty Images «Les principes ayant mené aux modifications législatives et réglementaires qui permettent aux enfants d’accéder aux systèmes d’éducation et de santé doivent prévaloir a fortiori en matière de petite enfance», écrit l'autrice.

Des mobilisations populaires, au fil des années, ont mis au grand jour les traitements discriminatoires subis par des enfants du fait du statut migratoire de leur famille et ont forcé les élus québécois à agir pour concrétiser l’égalité des chances. En 2017, la Loi sur l’instruction publique fut modifiée pour permettre aux enfants n’ayant pas de statut au Canada d’accéder gratuitement au système scolaire. Puis, en 2021, les dispositions législatives et réglementaires nécessaires furent modifiées pour rendre admissibles au régime d’assurance maladie et au régime général d’assurance médicaments tous les enfants, sans égard à leur statut d’immigration.

C’est donc avec consternation que l’Association des avocats et avocates en droit de l’immigration (AQAADI) constate que les principes fondamentaux ayant mené à ces avancées législatives — le droit de tout enfant à l’éducation et à la santé — sont absents des réflexions et des actions menées par le gouvernement du Québec relativement à l’avenir du réseau des services de garde éducatifs à l’enfance.

D’abord, en 2018, le ministère de la Famille a fait volte-face quant à son interprétation de l’article 3 du Règlement sur la contribution réduite, afin que les demandeurs d’asile n’y soient plus admissibles, rendant ainsi financièrement inaccessibles les services de garde à leurs enfants. Depuis 2018, ce sont donc des centaines, voire des milliers de familles sur notre territoire qui se voient exclues de ces services essentiels pour souvent plusieurs années.

Le lancement du « Grand chantier pour les familles » et le projet de loi no 1 (Loi modifiant la Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance afin d’améliorer l’accessibilité au réseau des services de garde éducatifs à l’enfance et de compléter son développement), dont l’étude détaillée en commission parlementaire est en cours, auraient pu être l’occasion de rectifier le tir et de rêver un Québec où les droits fondamentaux de chaque enfant sont reconnus et concrétisés, mais le ministre de la Famille persiste et signe : aucune modification législative ou réglementaire ne prévoit l’accès aux services de garde de tout enfant peu importe le statut d’immigration ou l’absence de statut d’immigration de ses parents. Cette lacune majeure dans le projet de loi montre que l’intention du ministère de la Famille est de continuer à exclure des services de garde les enfants dont les parents sont demandeurs d’asile ou n’ont pas de statut d’immigration.

Les principes ayant mené aux modifications législatives et réglementaires qui permettent aux enfants d’accéder aux systèmes d’éducation et de santé doivent prévaloir a fortiori en matière de petite enfance. Pour ne nommer qu’un exemple, le dépistage précoce de retards de développement ou de troubles divers peut éviter de lourdes conséquences pour le bien-être des enfants. De plus, l’accès aux services de garde permet à leurs parents d’intégrer le marché du travail plus rapidement et de mener plus sainement les procédures visant à régulariser leur statut.

Cette semaine, les députés de l’opposition (QS, PQ, PLQ) ont proposé et appuyé un amendement afin d’inclure l’accès aux services de garde subventionnés pour tous les enfants des demandeurs d’asile et d’autres au statut précaire. Un procès aura lieu en Cour supérieure à ce sujet les 21 et 22 avril : nous appelons donc le gouvernement provincial à adopter cet amendement sans tarder. L’une des six priorités que vise le gouvernement dans le cadre de son « Grand chantier » est de « remettre l’égalité des chances au cœur de notre action ». Cet idéal restera lettre morte aussi longtemps que des enfants seront exclus du système à cause de la trajectoire migratoire de leurs parents.

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