La saga a assez duré à la prison Leclerc

«La prison Leclerc est toujours dans un état délabré», écrivent les autrices.
Photo: Valérian Mazataud Le Devoir «La prison Leclerc est toujours dans un état délabré», écrivent les autrices.

En février 2016, lorsque des détenues ont été transférées de la prison Tanguay à l’Établissement de détention Leclerc, le gouvernement du Québec a laissé entendre qu’il s’agissait d’une solution provisoire. Rappelons que la prison Leclerc a été fermée en 2012 par le gouvernement fédéral pour vétusté. Six années plus tard, le provisoire est devenu honteusement permanent.

La prison Leclerc est toujours dans un état délabré : présence d’amiante, moisissures, vermine, infiltrations d’eau, chauffage défectueux, air vicié, toilettes bouchées, douches sales, eau brunâtre, entrée d’air froid par les interstices des fenêtres, absences de moustiquaires et présence de punaises de lit. À ces conditions physiques déplorables s’ajoutent les comportements inadmissibles et irrespectueux du personnel de surveillance : fouilles à nu excessives et humiliantes, multiples remarques et comportements sexistes, langage méprisant, menaces physiques, médicaments difficiles à obtenir, vêtements et produits d’hygiène insuffisants, recours exagéré au confinement, accès laborieux à des soins médicaux adéquats, privation de sorties dans la cour, visites et visiovisites annulées à répétition, en particulier celles prévues à Noël et à la fête des Mères en raison d’un manque de personnel. De plus, les femmes disent craindre de porter plainte par peur de subir des représailles, d’être intimidées ou de voir cette plainte mise à la poubelle.

Comment comprendre l’inaction du gouvernement ? Quand la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, est questionnée sur le sujet, elle répond vaguement que des efforts sont faits. Quand un député ou une députée veut visiter la prison Leclerc, elle lui dit non. Quand la Ligue des droits et libertés propose une mission d’observation indépendante, elle dit non. Quand les conditions de détention lors d’une éclosion de COVID-19 privent les personnes de tout contact, créant, pour reprendre les mots de personnes incarcérées, « une prison dans une prison », les autorités correctionnelles nient les multiples problèmes révélés dans les médias par les personnes incarcérées, leurs proches et leurs alliés et alliées. Comment ne pas y voir de l’indifférence à l’égard des femmes incarcérées à la prison Leclerc ?

Lucie Lemonde, militante de longue date de la Ligue des droits et libertés qui est décédée le 6 février 2022, a dénoncé à maintes reprises ces conditions d’incarcération inhumaines et les violations des droits des personnes incarcérées. Ces problèmes ne sont toujours pas inscrits au cahier des priorités du gouvernement duQuébec, et nous condamnons cette inertie politique : la saga Leclerc a déjà trop duré !

* Au nom de la Coalition d’action et de surveillance sur l’incarcération des femmes au Québec (CASIFQ)

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