La CAQ a intérêt à changer le système électoral

«La domination politique de la CAQ étant prévisible, c’est actuellement que François Legault a l’occasion de choisir l’image qu’il veut projeter durant son 2e mandat», affirme l'autrice.
Il reste peut-être dix mois avant les prochaines élections générales québécoises, mais le gouvernement Legault dispose de beaucoup moins de temps que cela pour remplir les engagements qu’il a pris pour le présent mandat. Qui plus est, depuis le discours inaugural, il a déposé une vingtaine de projets de loi, en plus des 70 qu’il a fait traverser de la session précédente. Pour composer son menu législatif de février à juin il aura donc l’embarras du choix, mais uniquement 16 semaines de travail parlementaire devant lui.
De cette abondance de projets de loi, il s’en trouve un que son caucus n’apprécie guère, mais que le premier ministre et les stratèges de la Coalition avenir Québec (CAQ) auraient pourtant tout intérêt à prioriser. Il s’agit du projet de loi 39 « Loi établissant un nouveau mode de scrutin ».
L’affirmation peut paraître surprenante, mais il serait bel et bien dans l’intérêt de la CAQ de remplacer le système électoral qui, si les sondages ont raison, lui procurera 100 sièges pour son 2e mandat. Il faut reculer de trois ou quatre décennies pour voir un tel balayage, les plus récents exemples s’étant produits en 1973 et en 1985. Dans les deux cas, le Parti libéral du Québec remportait respectivement 100 des 110 sièges et 99 des 122 sièges que comptait alors l’Assemblée nationale. Cette profusion de sièges était cependant en complet décalage avec la volonté populaire, soit les 55 % et 56 % de votes recueillis.
Si les sondages voient juste pour l’élection de 2022, ce serait grâce à 47 % des votes que la CAQ occuperait 80 % des sièges. Une surreprésentation de cette ampleur sera assortie de critiques acérées, à plus forte raison si elle survient après qu’il a dilué ou abandonné la réforme du mode de scrutin promise. Il sera alors facile d’affirmer qu’il a agi de la sorte justement pour obtenir tant de pouvoir. Le premier ministre aura alors bien du mal à convaincre la population qu’il gouverne pour tout le monde, d’autant plus que les partis d’opposition, bien qu’excessivement sous-représentés, seront un rappel constant que la population québécoise n’est pas à 80 % derrière lui.
La domination politique de la CAQ étant prévisible, c’est actuellement que François Legault a l’occasion de choisir l’image qu’il veut projeter durant son 2e mandat.
Il peut choisir de perdre toute crédibilité démocratique en gouvernant sans corriger un système qu’il sait déficient ou en tenant sans gêne un référendum partial, comme celui qu’il a imaginé lors du dépôt du projet loi 39. Dans ce dernier scénario, il n’obtiendra pas la confiance de la population, le processus référendaire se tenant selon les règles imposées par un parti accaparant le pouvoir au point d’occuper 4 sièges sur 5.
Mais le gouvernement de la CAQ peut aussi choisir de donner au Québec un mode de scrutin tout neuf, pour une première utilisation en 2026. Pour cela, il doit améliorer son projet de loi et l’adopter avant juin prochain, sans lui imposer d’étapes qu’aucun autre ne requiert pour être appliqué. La suite relevant alors du Directeur général des élections, le gouvernement réaliserait son 2e mandat sans s’exposer à de très faciles critiques sur ses vertus démocratiques.
Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées en accueillant autant les analyses et commentaires de ses lecteurs que ceux de penseurs et experts d’ici et d’ailleurs. Envie d’y prendre part? Soumettez votre texte à l’adresse opinion@ledevoir.com. Juste envie d’en lire plus? Abonnez-vous à notre Courrier des idées.