«Madame, il est trop tard…»

Est-ce l’effet de la pandémie ? Du confinement obligé pendant de longs mois ? De l’humeur collective « Dehors novembre » comme le disait si bien Dédé Fortin ? Je ne sais pas. Ce que je sais, c’est que je n’ai jamais vécu ce sentiment avant aujourd’hui, moi qui enseigne à de jeunes adultes depuis 18 ans.
« Pouvoir, démocratie et liberté » est le premier cours de politique au collégial. On y voit les principales institutions de la démocratie libérale, les différents régimes, les idéologies et les véhicules idéologiques : partis, mouvements, débats de société. Nous avons vu ensemble, cette session-ci, les élections fédérales ramenant Justin Trudeau au pouvoir de façon quasi identique à la situation d’avant la dissolution du Parlement, moyennant 600 millions de dollars pris sur les deniers publics. Nous avons décortiqué les valses-hésitations, puis le refus, à la fois de François Legault et de Justin Trudeau, de considérer une meilleure représentativité de la volonté populaire en intégrant des éléments de proportionnalité dans notre mode de scrutin majoritaire. Nous avons vu la dégringolade d’Annamie Paul, ex-cheffe du Parti vert et la montée d’un certain populisme à travers le pourcentage de votants pour Maxime Bernier. Nous avons observé nos représentants canadiens à la COP26 et ce même gouvernement tentant de rendre acceptable le rachat et l’agrandissement du pipeline Trans Mountain.
Nous avons ri, ensemble, d’Yves-François Blanchet tentant lui aussi de rendre vert le projet du troisième lien à Québec.
Nous avons parlé des inondations en Colombie-Britannique. De la pénurie de main-d’œuvre, du vieillissement de la population. Nous parlons du nouveau variant qui est déjà en Ontario.
La session achève. Nous tentons de comprendre les effets du néolibéralisme et de son pendant, l’austérité, sur les services sociaux. Sur les CHSLD, sur l’éducation, sur la santé des uns et des autres.
Comment faire face au néolibéralisme ? Comment le dépasser ? Allons-nous plus à droite ? Allons-nous plus à gauche ? Le pouvoir doit-il s’inscrire davantage dans les quartiers, au municipal (parce qu’en prime, nous avons eu à décortiquer les élections municipales cette session !) au régional, au national, au fédéral ?
Allons-y, me disais-je, avec un peu d’espoir en présentant un documentaire écosocialiste pour bien faire comprendre l’effet des idées sur le réel. Demain, film réalisé en 2015 par Cyril Dion et Mélanie Laurent, met bout à bout des initiatives nouvelles en matière de production de nourriture, d’énergie et de carboneutralité, de transports actifs et de compréhension du territoire, d’économie résiliente (pour contrer le Black Friday), de représentativité démocratique par l’inclusion du tirage au sort pour une portion du pouvoir législatif, de projet de société à travers l’écriture d’une constitution, d’éducation avec vision et ressources en dehors de l’arène partisane.
« Comment avez-vous trouvé ce document visuel ? » leur ai -je demandé. Utopique ? Réaliste ? Enthousiasmant ? Est-ce une solution pour le monde de demain ? Comment réfléchir à une transition juste ? Comment penser le lien entre les citoyens et la nature et pas seulement l’individu tout-puissant de l’Ancien Monde anxiogène ?
« On aurait dû faire ça bien avant, Madame. Il est maintenant rendu trop tard. »