Protégeons notre culture, sans exception

Si la loi canadienne sur le droit d’auteur était un fromage, ce serait un gruyère. Avec de gros, gros trous.
En 2012, le gouvernement fédéral de Stephen Harper a ajouté des exceptions à la Loi sur le droit d’auteur, ouvrant la porte à des exploitations massives des œuvres québécoises et canadiennes sans juste rémunération. Ces exceptions étant mal définies, les établissements d’enseignement n’hésitent pas à les interpréter abusivement pour éviter de rémunérer comme il se doit les titulaires de droits d’auteur.
Par exemple, n’importe quel organisme qui prétend offrir une quelconque formation peut se prévaloir de l’exception floue réservée à l’« éducation ». Résultat : partout au Canada, la quasi-totalité des établissements a cessé de payer les autrices, les auteurs et les maisons d’édition pour les 600 millions de pages copiées annuellement. Seul le Québec résiste à ce désengagement du milieu de l’éducation, mais la situation pourrait se dégrader si le statu quo persiste.
Près de dix années de revenus à la baisse pour celles et ceux qui, à la base, produisent les œuvres ! Et lorsque des titulaires de droit s’estiment lésés, ils doivent demander aux tribunaux de se prononcer. La Loi modifiée en 2012 a engendré une série de sagas judiciaires.
Aujourd’hui, les acteurs du milieu du livre n’en peuvent plus de documenter les effets désastreux des modifications de 2012 et de marteler l’importance de revoir cette loi. Mais celle-ci demeure malheureusement absente du discours des chefs lorsqu’il est question de culture.
Le milieu du livre avait accueilli très favorablement le rapport Paradigmes changeants, déposé à la Chambre des communes en 2019, qui reconnaissait que la Loi sur le droit d’auteur devait être corrigée afin de limiter l’application de nombreuses exceptions. Des recommandations importantes ont été faites en ce sens. Lors des élections de 2019, tous les partis fédéraux ont laissé entendre qu’ils corrigeraient la Loi sur le droit d’auteur.
Cadre légal nécessaire
Alors que la relance économique postpandémique du milieu culturel est sur toutes les lèvres, il est impératif que le gouvernement canadien qui sera élu le 20 septembre prochain reconnaisse que le milieu culturel a besoin d’un nouveau cadre légal, de stabilité et d’investissements essentiels à la création.
Pourquoi la question du droit d’auteur ne se taille-t-elle pas une place importante dans les promesses de tous les partis ? Offrir une juste rémunération aux créatrices, aux créateurs et aux artisans qui permettent à notre pays de rayonner ici comme à l’international ne devrait-il pas être une priorité ?
La Cour suprême a refusé l’été dernier la demande de l’Université York d’entériner son interprétation très large de l’utilisation équitable. Avant cela, la Cour fédérale avait décrié la politique de droit d’auteur de l’Université. Mais la Cour suprême a renvoyé la balle à Ottawa. Les partis politiques doivent prendre leurs responsabilités, et ce, dans le prochain mandat.
Nous exhortons le gouvernement élu le 20 septembre prochain à faire preuve de courage politique en choisissant de protéger les autrices, les auteurs et les maisons d’édition. Il en va de la vitalité, de la diversité et de la richesse de la culture canadienne.
* Ont signé ce texte : Christian Laforce, directeur général de Copibec, Associations membres : Union des écrivaines et écrivains québécois (UNEQ), Association nationale des éditeurs de livres (ANEL), Regroupement des artistes en arts visuels du Québec (RAAV), Association des journalistes indépendants du Québec (AJIQ), Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), Société de développement des périodiques culturels québécois (SODEP), les hebdos du Québec, les quotidiens du Québec