Santé Canada doit rassurer la population sur le glyphosate

«Le Canada, acteur international important du secteur agricole, se doit de se présenter comme chef de file en matière environnementale et agricole», écrivent les auteurs.
Photo: Jean-François Monier Agence France-Presse «Le Canada, acteur international important du secteur agricole, se doit de se présenter comme chef de file en matière environnementale et agricole», écrivent les auteurs.

Le glyphosate est un pesticide très largement utilisé qui permet d’augmenter la productivité alimentaire mondiale avec, notamment, son utilisation associée aux organismes génétiquement modifiés. Bien que nous reconnaissions que cette révolution des pratiques agricoles est grandement utile et parfois même essentielle pour nourrir certaines populations, nous croyons qu’il serait néfaste d’augmenter les limites permises quant aux résidus de glyphosate au Canada comme le propose l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) de Santé Canada. Effectivement, il a été annoncé le 19 juillet dernier que les limites de résidus de glyphosate seraient augmentées dans certains aliments importés ou vendus.

Tout d’abord, cette annonce nous surprend énormément considérant qu’aucune de nos organisations professionnelles n’a été contactée en prévision de cette annonce et que celle-ci vient considérablement toucher la santé et la sécurité de la population et des écosystèmes. De plus, cette annonce nous semble incohérente avec les efforts récents du milieu agricole canadien qui tentent d’opérer un laborieux virage vers l’agriculture raisonnée depuis près de 20 ans.

Les producteurs d’ici, en collaboration avec les scientifiques de plusieurs disciplines, étudient différentes approches et innovent dans leurs pratiques de gestion des terres et des troupeaux afin de réduire les intrants, avec en tête de liste les pesticides. Ainsi, permettre l’arrivée et la vente de produits ne respectant pas ces conditions envoie un message contradictoire à nos producteurs qui s’efforcent jour après jour de produire des aliments de qualité avec moins de résidus de pesticides. Ces efforts afin de réduire les effets de la production agricole sur la santé humaine et les écosystèmes devraient plutôt être maintenus et encouragés.

En effet, les sols fertiles du Canada sont très intensément exploités et s’appauvrissent avec le temps. Il n’est plus à démontrer que l’utilisation intensive de pesticides contribue à détruire les composantes biologiques des sols, essentielles à leur fertilité et à leur maintien à long terme, à l’émergence d’espèces de mauvaises herbes résistantes ainsi qu’à la dégradation de la qualité de l’eau et des écosystèmes aquatiques. Le maintien de limites maximales strictes au Canada encourage les producteurs à adopter des pratiques plus ciblées dans la gestion des intrants chimiques ayant pour but de limiter les insectes nuisibles, les agents phytopathogènes ainsi que les mauvaises herbes.

Devant cette importante consultation de l’ARLA, et par principe de précaution, l’Ordre des chimistes du Québec, l’Association des microbiologistes Québec et l’Association des biologistes du Québec expriment de vives inquiétudes et demandent à l’ARLA de reconsidérer sérieusement sa décision d’augmenter les limites maximales de résidus de glyphosate dans certains produits alimentaires. Le Canada, acteur international important du secteur agricole, se doit de se présenter comme chef de file en matière environnementale et agricole. Les agriculteurs, la communauté scientifique et la population se doivent ainsi d’être rassurés.

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