Changer de ton

Chaque fois que j’écoute les publicités sur la violence faite aux femmes, je suis très mal à l’aise. L’attitude de soumission de la femme fait surgir en moi l’image désagréable d’un chien qui baisse les oreilles et la tête devant les réprimandes de son maître. Cette image, que j’exècre au plus profond de moi-même, m’oblige à réfléchir sur les effets pervers de ces publicités.
Éduquer les hommes au respect de l’égalité et à l’inacceptabilité des comportements de violence semble, à première vue, la bonne chose à faire. Mais le contenu du message démontre implicitement que la résolution de ce grave problème repose exclusivement sur les hommes. Ce faisant, l’autodétermination de la femme y est complètement gommée. Seule la victime impuissante existe.
Voilà la partie de la publicité qui me crève le cœur et provoque mon malaise !
Je me demande s’il ne serait pas plus efficace de s’attaquer en même temps à l’éducation de la femme, en lui apprenant, très tôt dans la vie, à SE respecter (tout commence là), à découvrir sa valeur, à dessiner son territoire de pouvoir et de liberté et, surtout, à le défendre.
La notion de pouvoir des sexes prend son origine dans le milieu familial : l’autorité paternelle, la relation entre la mère et le père, le comportement parental avec les filles et les garçons, entre frères et sœurs ; domination ou soutien, égalité ou faveurs, protection ou abus, responsabilités ou liberté. A-t-on offert aux filles l’occasion de croire qu’elles possèdent les mêmes chances que leurs frères ? Leur a-t-on permis de s’opposer librement à des idées ou à des comportements qu’elles jugent injustes ou préjudiciables ? Leur a-t-on donné de l’influence dans la famille ?
Plus tard, les femmes ont-elles eu la chance d’aller au bout de leurs rêves professionnels ? Ont-elles pu apprendre à faire face aux injustices sociales reliées à leur sexe, y compris au quotidien de leur vie au travail (comme le fameux plafond de verre des femmes en entreprise ou le harcèlement au travail, entre autres).
La femme vit de nombreuses violences… et celles-ci prennent plusieurs visages… jusqu’à sa plus sombre et intolérable déclinaison : le féminicide.
Apprendre à se défendre, à s’imposer, à dire « c’est assez » doit commencer très tôt dans la vie. La femme doit construire son autonomie et la conserver coûte que coûte, même avec le plus merveilleux conjoint qui soit. C’est cette force, cette indépendance, cette croyance en sa propre valeur qui maintiendra le bourreau potentiel à distance, chez soi comme au travail.
Imaginez une publicité qui montre à la femme l’autre face du miroir de sa vie, celle de sa force, du contrôle de sa destinée, du refus de se laisser dominer et du bonheur de sa liberté, avec ou sans amoureux ! Imaginez un soutien financier significatif pour l’éducation continue des mères de jeunes enfants ! Imaginez des formations pour favoriser l’autodétermination, la croissance personnelle et l’estime de soi des jeunes femmes ! Ne serait-ce pas des avenues plus structurantes afin que cessent, une fois pour toutes, cet horrible massacre et toutes les autres petites morts que vivent les femmes depuis des décennies ?
C’est aussi à la femme de changer de ton… en commençant par changer son regard envers elle-même !