Le pouvoir de choisir sa fin de vie

Médecin de famille à Verdun et enseignante en soins palliatifs à domicile, je visite depuis 35 ans des malades en fin de vie. J’ai visité ma première patiente en 1982, une dame de 64 ans trop faible pour venir au bureau. J’ai découvert alors l’émotion sans filtre que l’on vit lorsqu’on rencontre un malade chez lui, entouré de ses proches. J’ai compris l’importance pour ces gens de pouvoir choisir comment vivre leurs derniers instants. Entourés de leurs proches pour plusieurs. Dignement à la maison pour tous.
Au fil des ans, j’ai croisé une multitude de patients aux parcours très différents. L’attachante Marie, ce petit bout de femme à la grosse voix joyeuse de 59 ans, qui avait vécu son lot de souffrance dans la vie et qui arrivait pourtant à donner tant de joie et de bonheur aux autres à l’approche de sa mort. Ou encore Jean, cet homme fier jusqu’à son dernier souffle, qui m’annonça, serein, qu’il était prêt à mourir, chez lui, à la maison. Jean, qui se coucha à mon départ pour ne plus jamais se relever et qui mourut le lendemain midi, dans son lit, sans douleur, entouré de ses proches.
Je pourrais vous raconter des dizaines d’histoires de courage et de résilience. Des histoires de souffrance, de résignation, mais aussi de bonheur. Des histoires dont le dernier chapitre a été écrit par des humains qui souhaitaient une fin de vie digne en accord avec leur volonté d’être soignés à la maison.
J’ai développé ma pratique avec les infirmières de Nova Soins à domicile, un organisme à but non lucratif, qui travaille étroitement avec les CLSC, pour subvenir aux besoins de ces patients en fin de vie à leur domicile.
Les services de soins à domicile comme ceux offerts gratuitement par Nova sont d’une importance cruciale et apportent une douceur et une dignité à la maladie, à la douleur, à la mort. Pourtant, notre gouvernement n’offre aucune subvention directe à cet organisme qui constitue une solution simple et digne aux débordements actuels de notre système de santé.
Personne ne devrait mourir seul à l’hôpital. Ce n’est pas ce que l’on souhaite pour nos proches ni ce que l’on se souhaite comme société. On doit pouvoir avoir le choix. Et c’est possible ! Il s’agit d’en faire une priorité de société pour que cela devienne une priorité de notre gouvernement.
L’arrondissement de Verdun, à Montréal, est un exemple probant, avec une moyenne de 61 % des patients en soins palliatifs qui ont pu rester à domicile jusqu’à leur décès, comparativement à une moyenne de 11,8 % pour le reste de la province au cours des trois dernières années, soit le plus faible taux en Occident. Devant ce succès, nous avons tenté de convaincre le gouvernement d’implanter un système de soutien de soins à domicile pour tous les CLSC, d’autant plus qu’ils contribuent à réduire les coûts de santé de 50 % dans la dernière année de vie d’un patient. Mais nos décideurs font la sourde oreille et les Québécois en fin de vie continuent à remplir nos hôpitaux débordés.
Choisir la façon dont on souhaite vivre notre fin de vie doit pouvoir être une décision personnelle offerte à tous. Comme société, nous devons nous donner les outils pour améliorer l’accessibilité aux soins à domicile et financer ces soins à la hauteur du réconfort et de la dignité qu’ils apportent aux patients qui en bénéficient.