Des mesures difficiles, mais essentielles contre la crise climatique

«La pandémie nous a bien démontré que les Québécois sont capables de changer radicalement leur mode de vie lorsque c’est nécessaire pour assurer le bien-être collectif», rappellent les auteurs.
Photo: Marie-France Coallier Le Devoir «La pandémie nous a bien démontré que les Québécois sont capables de changer radicalement leur mode de vie lorsque c’est nécessaire pour assurer le bien-être collectif», rappellent les auteurs.

Lettre adressée au premier ministre du Québec. 

Nous signons cette lettre au nom des jeunes qui ont à cœur le bien-être de la société québécoise présente et future, et qui souffrent de voir leurs revendications ignorées alors qu’ils et elles donnent tant à cette même société en ce moment.

Depuis maintenant huit mois, nous avons sacrifié nos vies sociales, nos études, nos loisirs et notre santé psychologique au bénéfice de cet objectif. Vous pouvez trouver une multitude de textes qui expriment avec éloquence la souffrance qui accompagne cette épreuve que nous vivons. Toutefois, ce que vous ne trouverez pas provenant de nous, ce sont des textes qui nient l’importance de la lutte que nous menons contre la COVID-19 et des sacrifices que nous faisons à cette fin. Certes, certains critiquent les incongruités apparentes dans les mesures sanitaires appliquées, mais aucun ne nie notre devoir de lutter contre la pandémie.

Cependant, notre conscience sociale ne se limite pas à la crise sanitaire. Nous voyons également les autres problèmes qui affectent notre société, et, en tête de liste, nous notons la crise climatique qui se dresse comme une immense vague, faisant ombrage à celles de la propagation du virus. Le temps qu’il nous reste pour l’aplatir s’écoule, et les mesures draconiennes requises pour atteindre cet objectif vital ne semblent pas voir le jour.

Nous savons que vous avez pris les mesures que vous avez jugées nécessaires pour limiter les impacts du coronavirus. Vous vous êtes appuyé sur les données du moment pour prendre ces décisions radicales, mais importantes. Pourquoi ne pas faire de même face à la crise climatique ? La pandémie nous a bien démontré que les Québécois sont capables de changer radicalement leur mode de vie lorsque c’est nécessaire pour assurer le bien-être collectif. Pourtant, votre gouvernement continue à promouvoir des projets intrinsèquement antithétiques à la lutte contre les changements climatiques. Le simple fait de considérer la construction d’un troisième lien routier Québec-Lévis ou le développement d’un gazoduc et d’une usine de liquéfaction de gaz naturel au Saguenay est une moquerie de celles et ceux qui, comme nous, comprennent que la menace climatique est sérieuse. Pire encore, votre gouvernement a rejeté les cibles de réduction d’émissions de gaz à effet de serre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) en les qualifiant d’« irréalistes ». Ensuite, alors que l’accord de Paris sur le climat fixait la cible à une timide réduction de 29 mégatonnes équivalent CO2 d’ici 2030, vos fonctionnaires ont proposé un plan supposément vert qui n’atteignait qu’une réduction de 20 mégatonnes dans ce même délai. Ce plan était déjà insuffisant, mais votre cabinet a réduit son objectif à 12 mégatonnes, retirant du programme « presque tout ce qui pouvait apparaître comme une contrainte pour les entreprises et les citoyens », et ce, au nom du « réalisme » et du « pragmatisme ». Dante disait que « l’enfer appartient aux indécis en moment de crise » : comment croyez-vous que l’Histoire vous jugera si, en toute connaissance des faits, vous n’agissez pas conséquemment ?

Alors que nous réinventons nos modes de vie, d’étude et de travail, que nous subissons l’isolement, le stress, l’anxiété, la dépression, que nous faisons des pieds et des mains pour amoindrir au meilleur de nos capacités les impacts de la pandémie, vous refusez d’imposer les mesures difficiles, mais essentielles, pour lutter contre les changements climatiques. Ce que vous nous dites, implicitement, c’est que nos sacrifices au nom de la crise sanitaire sont réalistes et pragmatiques, mais que ceux qui sont nécessaires pour faire face à la crise climatique ne le sont pas. Comment voulez-vous que nous ne soyons pas insultés par votre approche aussi nonchalante face à nos préoccupations ?

Nous nous soucions du bien-être de notre société. Nous voulons faire notre possible pour limiter la propagation de la COVID-19. Or, à mesure que vous continuez à vous moquer de nous aussi éhontément, notre volonté en ce sens ne peut que s’amenuiser et laisser place au cynisme. Après tout, comment peut-on respecter un gouvernement qui n’a que faire de notre avenir ? Alors que vous comptez sur notre solidarité dans la lutte contre la COVID-19, la moindre des choses serait de faire preuve à votre tour de solidarité envers nos préoccupations, de cesser de politiser les mesures requises pour assurer notre survie et de faire de la lutte contre les changements climatiques une véritable priorité.


*Charles-Émile Fecteau est étudiant au doctorat en chimie et au certificat en philosophie à l’Université Laval. Ce texte a été écrit en collaboration avec d’autres, et plus de 1000 jeunes l’ont approuvé.

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