Quand retrouverons-nous les bancs d’université?

Comme la plupart des jeunes de notre entourage, nous constatons la gravité de la crise sanitaire que nous traversons. Néanmoins, nous jugeons important de partager les conséquences du maintien des cours universitaires à distance pour les étudiantes et les étudiants. Nous faisons la promotion de l’apprentissage multimodal, qui permet de choisir d’assister aux cours en ligne ou en personne. Celui-ci devrait était adopté à grande échelle par les universités, dans le respect des mesures de la Santé publique. Il rehausserait la qualité de notre apprentissage et améliorerait la valeur de nos diplômes mais surtout, il nous permettrait de conserver une bonne santé mentale au travers de ces temps difficiles.
L’Université de Montréal a annoncé il y a quelques jours que le trimestre d’hiver 2021 se fera « essentiellement à distance ». L’Université McGill, l’Université du Québec à Montréal, ainsi que l’Université Laval lui ont emboîté le pas. Nous sommes frappés de découragement. Devrons-nous apprendre à distance, possiblement pendant plusieurs sessions encore, dans l’attente d’un vaccin ? Notre motivation à poursuivre nos études universitaires fléchit. Les lecteurs et lectrices doivent saisir les limites de l’enseignement virtuel ainsi que les conditions d’apprentissage et de vie difficiles et inéquitables qu’il nous impose.
Les technologies qui nous permettent d’apprendre derrière nos écrans peuvent d’abord sembler attrayantes. Notre expérience nous indique qu’il s’agit plutôt d’une pâle imitation de l’encadrement direct et du contact stimulant qu’assure une présence en classe. Le cheminement universitaire se trouve réduit à une progression solitaire et robotique, démunie d’échanges d’idées. Plus qu’obtenir un diplôme, nous souhaitons développer les connaissances théoriques et les compétences professionnelles dont nous aurons besoin pour faire face au lendemain de la pandémie. Si nous avons été impressionnés par la rapidité avec laquelle les universités ont fait volte-face en mars dernier en adoptant l’enseignement virtuel, nous sommes maintenant angoissés à l’idée qu’elles semblent s’y être résignées.
Nous nous retrouvons seuls dans nos chambres, les yeux rivés sur nos écrans. Une enquête de l’Université de Sherbrooke menée en septembre 2020 révèle que, parmi une population québécoise affligée par l’anxiété et la dépression, ce sont les adultes de 18 à 24 ans qui en souffrent le plus (37 %). Nous ne pouvons plus compter sur une communauté universitaire pour nous épauler en cas de détresse. Les services d’aide psychologique des universités, désormais en ligne, ont perdu en chaleur et en humanité. On ne commence qu’à entrevoir l’effet de l’isolement sur la santé mentale déjà fragile des étudiants.
Manque d’espace ou de silence, enfants, difficultés d’apprentissage, mauvaise connaissance des technologies : le fossé est grand entre ceux et celles qui sont dans des conditions propices à la réussite en ligne et ceux et celles qui ne le sont pas. La pression s’accumule sur les étudiants en difficulté financière, qui doivent désormais se procurer Internet haute vitesse et un ordinateur dernier cri. Le dépaysement et une intégration presque impossible attendent les arrivants de l’international. La plupart des étudiants de première année n’ont pas eu la chance de rencontrer leurs camarades de classe et doivent s’adapter au milieu universitaire sans le soutien d’un seul visage connu. L’enseignement à distance accroît progressivement les iniquités au sein de la communauté étudiante.
Si nous trouvons important d’exposer notre réalité, c’est parce que nous croyons que les universités québécoises peuvent faire mieux, dans le respect des mesures de la santé publique. Pourquoi ne s’inspireraient-elles pas de l’Université Oxford, qui entame sa rentrée d’automne en reconnaissant que des activités en présentiel pour tous et toutes sont essentielles, de l’Université de Lausanne, qui a séparé son corps étudiant en trois cohortes qui peuvent tour à tour venir apprendre en personne sur son campus, ou encore de l’Université de Sherbrooke, qui se sert d’églises pour accroître sa capacité d’accueil respectueux de la distanciation sociale ?
Nous comprenons l’importance d’écouter la science, étant à l’avant-plan de la lutte contre les changements climatiques depuis des années. Nous voulons collaborer et porter le masque. Mais nous demandons à retrouver les bancs d’université.
* Ce texte a été rédigé et révisé par plus de 140 étudiants universitaires de différents établissements.