Montréal? Pour les Montréalais d’abord!

Le 9 septembre dernier, le professeur Daniel Gill, retraité de l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’UdeM, soumettait la question : « À qui appartient Montréal ? » Comme bien d’autres avec lui, il critique sévèrement les nouveaux aménagements cyclables et les multiples travaux qui forcent les automobilistes à effectuer plusieurs détours pour se déplacer dans la ville de Montréal. Il attribue ainsi à la mairesse de Montréal tous les torts, au nom du droit, presque inaliénable, à la libre circulation en voiture, comme s’il s’agissait d’un droit de la personne.
Si on se fie à son raisonnement, on pourrait conclure qu’il faudrait arrêter tous les travaux d’aménagement du Réseau express vélo (REV) et revenir à la case départ pour ne pas nuire aux commerçants, qui seraient les seuls producteurs de richesse. Il faudrait aussi démanteler toutes les pistes cyclables érigées en fonction de la pandémie pour faciliter la libre circulation de ces malheureux banlieusards, dépendants de leurs voitures et prisonniers du trafic. Il serait impératif de réduire, à une part encore plus exiguë, la place du vélo dans les rues de Montréal. Toutes ces considérations sont présentées, de façon enchevêtrée, pour dresser un portrait catastrophique de l’état des rues à Montréal, « ces dédales sans issues ».
Dans bien des villes à travers le monde occidental et même ailleurs, les mêmes dilemmes se posent. Une vision passéiste est basée sur le développement de réseaux routiers et autoroutiers pensés en fonction de l’automobile, du camionnage, des banlieues et surtout, des recettes pétrolières.
Qualité de vie
Il existe pourtant des modèles de mobilité qui semblent beaucoup plus inspirants pour la qualité de vie, en ce début du XXIe siècle, tels que ceux de Copenhague, Amsterdam, Munich, pour n’en nommer que trois. Dans ces villes, ce sont des décisions politiques qui ont permis à ce que de grands aménagements piétonniers et surtout cyclables voient le jour, et personne aujourd’hui ne souhaite revenir en arrière. Paris innove en ce sens avec ses coronapistes, comme celle de la rue Rivoli, et New York fait des efforts dans la même direction. Londres s’est doté d’autoroutes pour vélos. Ce sont des exemples de villes qui, depuis quelques années, étant denses et soumises à la congestion automobile croissante, aux accidents qui en résultent et à la pollution urbaine, tentent de trouver des solutions innovantes pour se sortir du pétrin. De plus, elles offrent souvent une sorte de cocktail de transports (l’autobus, le métro, le train, l’autopartage, le taxi, le Bixi, le vélo ou encore la marche). Elles optent aussi, de façon très rationnelle, pour la création de nouveaux réseaux cyclables.
Par contre, la vraie question qui devrait être posée, si d’aucuns ne souhaitent que maintenir le statu quo : « Jusqu’où irons-nous pour rendre la ville de Montréal invivable, dangereuse pour ses résidents et de plus en plus polluée, en raison de la congestion automobile ? »
Le professeur Gill s’en prend à la « vision montréalocentriste » de la mairesse de Montréal et il va même jusqu’à la comparer à l’actuel honni président américain, qui « ne gouverne que pour sa base », comme si celle-ci était une sorte de secte d’évancyclistes. Encore une fois, tout est mêlé à dessein. Faut-il le rappeler, l’équipe de Valérie Plante a été élue par les citoyens de Montréal et, en ce sens, ne devrait-elle pas développer Montréal en fonction des besoins des Montréalais d’abord ?
La pandémie de la COVID-19 a changé la donne, bien sûr. On ne peut cependant pas attribuer à Valérie Plante la responsabilité de la désertion du centre-ville de Montréal en raison du confinement. L’absence de touristes, de même que le développement spectaculaire du télétravail ou des télé-études n’était pas prévisible. Son impact d’après la pandémie est impossible à mesurer pour l’instant et les aménagements routiers actuels n’ont rien à voir là-dedans.
Ce qui semble turlupiner aussi le professeur, c’est le fait que les commerçants de Montréal, sur certaines artères, en arrachent. Il y a là une désertion des commerces qui s’intensifie depuis plusieurs années. Plusieurs facteurs, et non pas seulement la mobilité peuvent expliquer cette dégradation. Par exemple : la hausse du prix des loyers, la multiplication des centres commerciaux mieux adaptés aux besoins des banlieusards et surtout, la venue de commerces en ligne comme Amazon. Tout ça était déjà en place, bien avant le début de l’actuelle pandémie et avant l’arrivée de Projet Montréal et des pistes cyclables, et le phénomène n’a fait que s’accentuer.
Le taux d’inoccupation des logements (1,3 %) est extrêmement faible dans la ville et les achats de maisons se poursuivent allègrement. Les gens semblent vouloir continuer de vivre dans cette ville qui est un peu tout croche, qui fait face à de nombreux défis, mais qui leur offre une qualité de vie indéniable. Une chose est certaine, cette ville ne doit pas appartenir qu’aux seuls promoteurs ou aux spéculateurs, comme nous l’a si bien démontré la commission Charbonneau, pas plus qu’aux commerçants, mais bien à ceux et à celles qui y vivent. Le temps des Sulpiciens est bien révolu.