Un Mirabel 2.0 doit être envisagé

Alors que les avions commerciaux passent plutôt rarement au-dessus de nos têtes en ces temps de crise sanitaire, pourquoi ne pas profiter de cette période d’accalmie pour redessiner notre pôle aéroportuaire montréalais à la lumière des derniers développements structurels.
D’abord, les plans d’Aéroports de Montréal (ADM) sont complètement bouleversés. Sa direction confirme qu’elle n’a pas les moyens de se doter d’une station souterraine du REM ni les moyens de mettre en œuvre son plan d’expansion de l’aérogare, prévu au coût initial de 2,5 milliards de dollars.
Cette société, écorchée à deux reprises pour sa gestion opaque d’une infrastructure collective, dans des rapports produits au fil des ans par l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP), s’entête à aménager ce qui devrait être un aéroport de classe internationale à l’intérieur d’un quadrilatère restreint situé dans une zone densément peuplée.
Or, ADM fait fi, depuis des années, des appels des citoyens de la grande région métropolitaine de Montréal à assurer une cohabitation harmonieuse entre les activités aéronautiques que génère l’aéroport et la population. Un citoyen montréalais, Bill Mavridis, instigateur de l’application AéroPLAINTE, a déterminé qu’environ 817 000 personnes, principalement de l’île de Montréal et de Laval, subissent en temps normal une pollution sonore intempestive.
ADM refuse également de se rendre aux demandes des dirigeants des Pollués de Montréal-Trudeau qui réclament que leur projet majeur d’expansion soit soumis à une étude d’impact environnemental. Devant l’inertie du gouvernement fédéral, l’affaire a dû être entendue le mois dernier en Cour supérieure.
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L’avènement du REM dans le paysage montréalais doit bientôt relier Deux-Montagnes à la Rive-Sud. Or il existe une emprise de 15 kilomètres reliant Deux-Montagnes à Mirabel appartenant au ministère des Transports et à la municipalité de Mirabel. Elle pourrait permettre à son promoteur, CDPQ Infra, de mener le REM sans trop de frais (pas d’expropriations coûteuses ni de gare souterraine, entre autres) jusqu’à la zone industrielle locale autour de laquelle gravitent 150 entreprises manufacturières embauchant 20 000 travailleurs. Le REM désengorgerait les autoroutes 13 et 15 à la hauteur des Basses-Laurentides et donnerait une nouvelle option aux citoyens de la région, mal desservie en transport collectif. Et n’oublions pas que Mirabel est une ville en croissance, avec près de 60 000 résidents, ce qui la classe au 19e rang au Québec. Ce n’est pas rien.
Avec les sommes prévues pour l’agrandissement de Montréal-Trudeau, la construction souterraine du REM sous les pistes à Dorval, on pourrait y bâtir une aérogareneuve, mieux configurée pour amoindrir les déplacements intérieurs, avec peu de contraintes pour la gare du REM. Les terrains délaissés à Dorval pourraient alors être mis en valeur pour le développement immobilier résidentiel. Des étudiants de la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal avaient d’ailleurs évalué favorablement un tel projet en 2001. Imaginez aujourd’hui avec la hausse qu’ont connue les valeurs foncières à Montréal !
Un Mirabel 2.0, mais interconnecté cette fois avec le reste des régions voisines, faisant taire les critiques de l’époque, et dont la circulation aérienne serait moins nocive pour la santé des Québécois et plus saine pour notre environnement. C’est un projet audacieux, certes, mais qui a du sens. Il ne faut pas s’en moquer. Regardez où sont situés les aéroports internationaux des grands pays du monde : à très grande distance des centres-villes. […]
J’ai longtemps cru qu’Aéroports de Montréal et NAV Canada chercheraient sérieusement à mettre en pratique les solutions existantes pour atténuer les problèmes environnementaux causés par la présence de YUL en milieu urbain. Mais force est d’admettre, après plusieurs rencontres et même l’intervention de quelques députés libéraux, que ces gens qui gouvernent notre ciel sont des pollueurs invertébrés qui sont guidés par des motifs tout autres que le mieux-être de leur communauté.
Nos élites devraient reconnaître qu’ADM a failli dans sa gestion communautaire de l’aéroport et que rafistoler une telle infrastructure, dont les origines remontent à 1940, située en pleine zone densément peuplée n’a plus sa raison d’être dans les années 2020. Déjà en 1968, nos décideurs avaient fait un tel constat et avaient conclu à la solution Mirabel, sans malheureusement lui donner tous les outils. Cette fois, nous pouvons les avoir ! Au moins, en payant des frais d’améliorations aéroportuaires qui ne cesseront d’augmenter, on saurait que c’est pour des causes pratiques et environnementales. Et le nom de Pierre Elliott Trudeau serait enfin associé à un lieu clé de son mandat !
*L’auteur est cofondateur des Pollués de Montréal-Trudeau (2012), directeur principal (2012-2016) et cofondateur des Sentinelles de l’air de Laval (2019) et administrateur actuel, membre du Conseil régional de l’environnement de Laval.