Quand la peur de la COVID-19 empoisonne le débat public

Bien des gens, actuellement, ont peur. À croire une bonne part d’entre nous, il faut se caparaçonner contre un virus aussi cruel que sournois. À croire les autorités sanitaires d’une partie de l’Occident, le péril collectif est si tangible qu’il faut des mesures d’exception pour l’endiguer.
La peur est une émotion humaine normale, et le sauve-qui-peut peut être la solution à court terme. Cependant, lorsque la peur nous submerge durablement, elle nous prive trop longtemps de la faculté de réfléchir posément à la situation. L’analyse est pourtant cruciale : déterminer la meilleure solution face au péril, dans le but d’en atténuer au maximum les retombées néfastes.
En ces temps de psychose collective, il est devenu très risqué de réfléchir, lorsque cette réflexion nous entraîne à questionner et à critiquer. Aussitôt, les gens qui ont peur nous taxent d’insensibilité et d’égocentrisme. L’accusation de propension complotiste est devenue la voie royale pour faire taire. Exercer sa faculté critique, exprimer des doutes, c’est être manipulé par les adeptes de théories du complot de tout acabit.
Pourtant, les remises en question sont parfaitement légitimes. Pourquoi, au Québec, n’a-t-on pas mieux protégé le petit nombre de vraies personnes à risque ? Logiquement, elles auraient dû être confinées en premier, tout en étant humainement traitées, choyées de manière à ne pas trop souffrir de solitude et d’anxiété. N’est-ce pas une faute grave d’avoir agi autrement ? D’avoir exposé le personnel soignant sans prendre d’emblée, comme il a été fait ailleurs, toutes les mesures connues pour empêcher la propagation des virus grippaux ?
Pourquoi le masque facultatif est-il devenu obligatoire ? L’autorité sanitaire et politique devrait expliquer soigneusement les raisons scientifiques de cette décision ; agir autrement, c’est ouvrir la porte toute grande aux controverses. Pourquoi cette confusion sciemment entretenue partout entre masque de haut calibre et masque artisanal ? Ce dernier n’est qu’un pis-aller, une piètre protection, selon la science. Pourtant, on ne fait pas de différence dans le discours public de première ligne, ce qui risque de donner une fausse impression de sécurité et d’impunité.
Il est plus probable de mourir d’un cancer, d’une dépression sévère ou d’un accident de la route, statistiquement parlant. Il est certain, par ailleurs, que la psychose actuelle va créer son lot de traumatismes, accroître des fragilités, laisser des séquelles.
Voilà où la peur nous mène. Dans l’histoire même récente, les exemples abondent en sociétés qui dérapent. Certains individus savent comment profiter des peurs et des faiblesses de leurs contemporains, comment transformer des craintes individuelles — de la pauvreté, des étrangers, de la maladie et de la mort — en psychoses collectives. Derrière tout dictateur, il y a une population qui le porte, du moins pendant un temps. Il me semble qu’au Québec, au XXIe siècle, nous sommes bien outillés pour atteindre l’équilibre entre soutenir la capacité décisionnelle des autorités et encourager un débat public nourri par l’esprit critique.