L’expertise infirmière en CHSLD

«La pratique soignante en CHSLD nécessite la collaboration étroite du trio infirmière-auxiliaire-préposé aux bénéficiaires, où chacun met en œuvre ses compétences au service des résidents et de leurs proches», explique le président de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec
Photo: Jean-Francois Badias Associated Press «La pratique soignante en CHSLD nécessite la collaboration étroite du trio infirmière-auxiliaire-préposé aux bénéficiaires, où chacun met en œuvre ses compétences au service des résidents et de leurs proches», explique le président de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec

Au cours des derniers jours, plusieurs personnes ont laissé entendre qu’un médecin pouvait accomplir les activités infirmières en CHSLD. D’une part, cette allusion trahit la méconnaissance de ces deux professions distinctes, aux connaissances et aux compétences spécifiques, mais dont certaines se recoupent. Soyons bien clairs : le savoir infirmier n’est pas intégré au savoir du médecin. Autrement dit, un médecin n’est pas une infirmière ou un infirmier « bonifié » ! D’autre part, une telle croyance sous-tend une incompréhension de l’expertise requise pour exercer comme infirmière ou infirmier en CHSLD.

La pratique soignante en CHSLD nécessite la collaboration étroite du trio infirmière-auxiliaire-préposé aux bénéficiaires, où chacun met en œuvre ses compétences au service des résidents et de leurs proches. Un CHSLD, c’est un milieu de vie et aussi un milieu de soins, en raison de l’état de santé des personnes qui y résident. Si elles n’avaient pas besoin de soins, elles ne résideraient pas dans ces milieux. Dès l’arrivée du résident, tout au long de son séjour et jusqu’à son décès, l’infirmière ou l’infirmier doit établir une relation de confiance et un partenariat avec celui-ci et ses proches.

La pratique infirmière en CHSLD requiert une expertise importante. L’évaluation de la condition physique et mentale des personnes hébergées est la pierre angulaire de la pratique infirmière. En CHSLD, elle s’effectue dans un contexte où les résidents sont atteints de plusieurs maladies chroniques qui entraînent de très grandes pertes d’autonomie et des atteintes neurocognitives sévères liées à différents types de démence, dont la maladie d’Alzheimer. L’évaluation doit porter sur des problèmes de soins liés à des maladies chroniques et, dans bien des cas, ceux liés aux soins palliatifs. Cette évaluation fait appel à des connaissances et à des compétences avancées en la matière, par exemple pour ce qui est de la douleur chez les personnes présentant des atteintes neurocognitives, des problèmes de déglutition et des symptômes comportementaux et psychologiques de la démence. L’évaluation couvre aussi les problèmes de santé aigus, par exemple l’influenza, une infection urinaire et une infection pulmonaire qui supposent un ajustement du plan thérapeutique infirmier.

À partir des constats de l’évaluation effectuée, l’infirmière ou l’infirmier détermine les interventions requises, dont la surveillance et le suivi clinique, et partage celles-ci avec les auxiliaires et les préposés aux bénéficiaires, selon la compétence de chacun. Toutes ces activités requièrent du membre de la profession infirmière des compétences en leadership afin de mobiliser et de gérer l’équipe soignante. De plus, l’infirmière ou l’infirmier œuvrant en CHSLD doit détenir les compétences en vue de prévenir et de prendre en charge plusieurs risques, dont les chutes, les plaies et les infections, pour ne nommer que ceux-ci.

L’infirmière ou l’infirmier doit aussi démontrer des habiletés en matière de collaboration interprofessionnelle, en raison de sa position de liaison avec les médecins et les autres professionnels de la santé pour assurer les meilleurs soins et traitements aux résidents. Toutefois, compte tenu des impacts des dernières réformes du réseau de la santé, ces membres de l’équipe interdisciplinaire sont de moins en moins présents en CHSLD.

La pratique infirmière en CHSLD peut être très intéressante et gratifiante. Cependant, le contexte de la pandémie de COVID-19 a révélé à la société québécoise le manque criant de personnel pour donner des soins de qualité aux résidents afin qu’ils puissent vivre dans la dignité. Il a aussi mis en évidence le peu d’intérêt accordé à l’expertise requise des infirmières et des infirmiers exerçant dans ces milieux. Cette situation est une illustration éloquente des propos de Yolande Cohen, qui rapportaient dans un ouvrage que « les savoirs féminins et particulièrement ceux qui entourent le soin à apporter aux personnes occupent peu de place dans l’échelle de la valorisation sociale ». C’est vrai pour les soins infirmiers en général, mais ce l’est encore plus pour les soins infirmiers auprès des personnes âgées.

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