Une destinée planétaire commune

Quelle que soit notre situation dans la lutte contre le virus, le contexte actuel nous donne de la matière à penser. Devant une menace partagée par la population mondiale, nous prenons conscience concrètement de notre appartenance à une communauté planétaire.
Au Québec, notre confinement collectif survient au moment de la halte printanière des oies blanches dans la vallée du Saint-Laurent. Dans un livre à paraître (et dont la parution est retardée en raison de la pandémie), j’ai voulu suggérer entre autres que l’idéalisation du comportement des oies sauvages constitue, en réalité, un message que nous nous adressons à nous-mêmes.
« Les oies vivent en groupe, elles sont dépendantes les unes des autres, vouées à la solidarité. Leur vie est une route seméed’embûches, au sens littéral du terme. Et lorsque les humains établis sur leur passage se prennent à célébrer la vaillance de ces grandes migratrices, ils alimentent à la source un bassin d’imaginaire dans lequel ils puisent volonté et ferveur. »
Si, en d’autres temps, l’observation de la multitude des oies en migration pouvait nous inciter à réfléchir à la notion de communauté, les rappels de notre appartenance à une même collectivité humaine sont maintenant omniprésents dans l’actualité et dans nos vies au quotidien.
Ce que nous vivons en ce moment nous démontre la possibilité d’un virage de l’entière communauté planétaire dans une direction commune. En même temps, l’efficacité globale des mesures prises repose sur des décisions et des réseaux organisationnels à l’échelle de communautés intermédiaires : nationales, régionales et municipales, entre autres. Il n’y a là aucune contradiction. Tout comme les forts caractères individuels n’empêchent pas le travail d’équipe, l’autonomie des États-nations n’est pas un obstacle à l’action concertée pour sauvegarder notre avenir sur cette terre.
Tout en mettant en relief une destinée planétaire commune, la crise actuelle exacerbe les effets pervers de la mondialisation économique sous l’empire du capitalisme avancé. Soudainement, certains qui avaient chanté hier les vertus de la mondialisation se mettent à parler de « démondialisation ». Cela me semble tenir d’un confinement de la pensée. Dès lors que l’on se heurte à un mur, il ne sert à rien de se précipiter dans la direction opposée, vers l’autre paroi de la même logique fermée.
Bien sûr, à court terme, il sera bien avisé de réduire notre dépendance aux moyens de production délocalisés. Il sera sage d’assurer une plus grande autonomie du Québec en ce qui concerne certains biens essentiels, en particulier dans les domaines de la santé, de l’alimentation et de l’énergie. Même dans le cadre économique actuel, on pourrait établir un revenu minimum garanti pour tous, de façon à amoindrir les effets des prochaines crises chez les personnes au statut économique précaire, ou précarisé par les événements. Mais il serait gravement inconséquent de s’arrêter là.
Si nous savions qu’un autre monde est possible, que nous pouvons habiter la Terre autrement, nous en avons maintenant une conscience nouvelle. En temps de crise, il est bon de pouvoir compter sur un gouvernement compétent pour organiser l’état de siège, pour gérer judicieusement les ressources et faire preuve de créativité à l’intérieur du cadre des possibles à court terme. Mais, une fois cette crise passée, il faudra dire non à ceux qui appelleront au repli sur soi. Au contraire, nous devrions, collectivement, nous permettre de voir plus loin et oser renforcer nos solidarités, y compris sur le plan international.
Il est possible d’envisager, au-delà de la crise, des décisions et des gestes à faire dès maintenant, des investissements conséquents pour inventer et planifier une sortie du système socioéconomique mondialisé fondé sur les inégalités et la surconsommation. Mondialité plutôt que mondialisation. Chaque communauté politique a un rôle à jouer, des gestes à faire pour que, étape par étape, le monde se refonde sur des bases plus équitables et plus viables.