Les centres de pédiatrie sociale en première ligne

Jeudi dernier, de ma quarantaine, j’ai fait ma première consultation en télémédecine avec deux ados que je connais pratiquement depuis leur naissance. Ils sont, comme tous, confinés à la maison. Contrairement à plusieurs d’entre nous, ils ne peuvent pas être près de leur amour. Ils se posaient bien des questions sur leurs bobos, leur vie amoureuse, et cet isolement obligé. Avec la technologie, je suis rentré dans leur maison et je constatais qu’il y régnait une certaine anxiété.
Je me questionnais à mon tour, au bout de mon réseau Internet. Combien de temps allaient-ils tenir ? Allaient-ils manquer de vivre ? Leur mère pourrait-elle payer le prochain loyer ? Et serait-elle capable de les endurer encore bien longtemps ?
Ainsi, je me suis retrouvé avec eux dans leur salon, un peu comme un invité, mais peut-être plus comme un membre de la famille élargie. Malgré les contretemps que nous fait vivre le confinement, la télémédecine m’a permis de conserver une proximité avec ces jeunes. Ils ont compris qu’ils pouvaient continuer de compter sur notre équipe de soins en pédiatrie sociale, dans les bons et les pires moments.
Cette première expérience m’a replongé au début des années 1990, alors que je commençais mon parcours en pédiatrie sociale dans Hochelaga. Je parcourais les rues à vélo à la rencontre des enfants, ou j’allais à domicile avec l’infirmière Claudette. Jamais je n’aurais pu imaginer que j’allais revenir, un jour, dans les cuisines des familles à l’aide d’un ordinateur !
Trente ans plus tard, une quarantaine d’équipes œuvrent dans les centres de pédiatrie sociale en communauté à travers le Québec, et même dans certaines communautés autochtones. Comme on l’a dit devant la commission Laurent, l’expertise des professionnels des Centres se fonde sur les données probantes en médecine et des recherches qui s’intéressent aux polytraumatismes et aux stress toxiques qui nuisent au développement de l’enfant. L’approche intègre à la médecine les sciences sociales et le droit, et elle exige que nous travaillions en complémentarité avec l’offre de services des groupes communautaires et des différents systèmes, comme la DPJ. On a aussi répété que les centres jeunesse devraient les interpeller comme des collaborateurs de premier plan dans les cas de négligence.
Avec la perte d’un autre bambin cette semaine, je ne peux qu’insister encore plus sur le fait qu’il est urgent que les centres jeunesse interpellent les centres de pédiatrie sociale pour unir leurs forces. On doit faire tout pour éviter ce genre de tragédie. Les délais de réponse sont inacceptables, alors qu’il est possible de créer un filet de sécurité pour nos enfants.
Je rappelle que les équipes des centres de pédiatrie sociale sont là pendant la pandémie, souvent sept jours sur sept. Elles veillent à ce que les enfants et les familles les plus vulnérables puissent continuer de recevoir les soins et les services dont ils ont tant besoin. Elles préservent leur lien de confiance qui est si essentiel pour soulager leur anxiété, pour les amener à tenir le coup et à comprendre les règles de prévention en cours. Jour après jour, ces équipes dévouées appellent les enfants, leurs parents ; elles écoutent leurs besoins, et leurs peurs aussi ; elles démystifient tout ce qui se passe autour de ce coronavirus et les apaisent.
La proximité avec les enfants et la famille permet de trouver des solutions à leurs problèmes, souvent multiples, d’une manière efficace et cohérente. Travaillons donc ensemble à créer un cercle protecteur efficace pour chaque enfant. Les équipes d’anges gardiens qui œuvrent en pédiatrie sociale ont besoin de vous, partenaires et donateurs, pour que les enfants ne paient pas le prix de la lourdeur des processus administratifs.
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