COVID-19: la solution est éducative

Il faut parfois une crise pour apprécier l’importance d’une éducation de qualité. Dans le quotidien, ses effets positifs ne paraissent pas nécessairement beaucoup. C’est probablement parce que nous y sommes, justement, habitués. Mais ils sont bien là, comme nous le démontre l’arrivée du coronavirus, qui bouscule l’ordinaire et révèle ainsi l’importance de comprendre.
Le rôle des actions individuelles
Apparemment, la meilleure solution disponible n’est pas technologique : un vaccin n’est pas pour demain ; le meilleur remède pour la plupart des contaminés est le banal repos, etc. Restent la propagation et sa vitesse. Pour éviter d’engorger les hôpitaux, la cascade de problèmes qui pourrait s’ensuivre et surtout pour réduire le nombre de décès évitables, la meilleure solution est le repli. Mais si les éventuelles conséquences positives d’une stratégie défensive seront sociales, la solution, elle, repose sur les personnes. On en arrive ainsi à l’importance de leurs actions et décisions individuelles. Or, la qualité de ces dernières résultera de l’intensité de leurs réactions émotives (craintes, confiance, etc.) mais surtout, en définitive, de leur bonne ou mauvaise compréhension du phénomène et des événements.
Les enjeux de l’alphabétisation scientifique
Les autorités ont fourni une formidable image de la stratégie à adopter : « aplatir la courbe ». Celle-ci nous est présentée à répétition. Elle est aussi accompagnée d’excellentes explications et de graphiques évocateurs et utiles. Mais de telles images sont malgré tout susceptibles de générer des peurs irrationnelles auprès des personnes qui ne savent pas bien lire les graphiques. Les bosses colorées de rouge et l’identification de seuils critiques peuvent suffire à engendrer des mécompréhensions et des inquiétudes déraisonnables. Le concept de « pandémie » peut lui aussi affoler indûment, surtout lorsqu’il est brandi par les autorités internationales et que ces dernières évoquent l’atteinte d’un seuil de gravité. Et que dire des confusions micro-organisme-virus que les médecins s’évertuent à démystifier auprès des patients qui, ces jours-ci, leur réclament des antibiotiques « préventifs ». On voit qu’en définitive, et malgré la qualité des intentions et des argumentaires déployés, les problèmes comme le coronavirus trouvent leur solution dans l’alphabétisation scientifique de base de la population, assurée principalement par l’école et dans une moindre mesure par les autres moyens non formels : musées, loisirs et littérature scientifiques, etc. Mais la solution se trouve aussi dans la prise en charge par les citoyens de leur propre éducation : s’informer activement auprès de sources crédibles, contre-vérifier les informations sensationnelles, etc.
Lorsqu’on prend le temps de bien faire ces choses-là, on découvre inévitablement que le sentiment de peur décline et se change instantanément en responsabilité. Comprendre les raisons précises pour lesquelles les quarantaines durent quatorze longues journées nous rend plus résilients quand il faut soi-même les vivre ou encourager ses pairs à les mener jusqu’au bout. Une personne qui apprend que, s’il faut éviter les poignées de main et laver fréquemment ces dernières, c’est surtout pour assurer la sécurité d’autrui — des aînés, des personnes immunosupprimées et autres personnes prédisposées —, cette personne est alors susceptible de trouver une motivation nouvelle à réaliser ces actions assidûment. Sur la base de ses connaissances nouvelles, elle saura aussi les réussir plus efficacement. Quand elles apprennent, il vient spontanément aux personnes bien intentionnées de nouvelles envies altruistes et plus profitables à la collectivité, et donc en définitive à chacun.
Un effort éducatif à grande échelle
En tant qu’Équipe de recherche en éducation scientifique et technologique (EREST), et pour une suite heureuse des événements relatifs à l’évolution du virus, il nous apparaît crucial que toutes les personnes impliquées dans les efforts informatifs et éducatifs assument leurs responsabilités et leur autorité, mais aussi qu’elles s’assurent de l’exactitude scientifique, de la qualité didactique et de l’humanité des messages qu’elles adressent. Nous pensons évidemment aux autorités scientifiques ou élues, mais aussi aux éducateurs des écoles qui oeuvrent en éducation scientifique. Eh oui, les enseignants sauvent des vies tous les jours. Mais cette fois, on s’en rend compte.
* Ce texte est signé par Patrice Potvin, Pierre Chastenay, Patrick Charland, Martin Riopel, Steve Masson, Frédéric Fournier, Michel Bélanger, Anastassis Kozanitis et Stéphane Cyr, des professeurs d’université en didactique et des membres de l’Équipe de recherche en éducation scientifique et technologique de l’UQAM.
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