Les solutions actuelles pour la formation des enseignants ne suffisent pas

«Pour qu’un bachelier des matières enseignées au secondaire puisse accéder à un permis d’enseignement, il devra s’engager dans un parcours du combattant», estiment les auteures.
Photo: Michael Monnier Le Devoir «Pour qu’un bachelier des matières enseignées au secondaire puisse accéder à un permis d’enseignement, il devra s’engager dans un parcours du combattant», estiment les auteures.

Chaque année, dans les départements d’histoire où nous enseignons, un scénario se répète. Des finissants du baccalauréat, et parfois même de la maîtrise, nous approchent pour discuter de leur avenir. Ils aimeraient enseigner au secondaire, disent-ils, en se dotant d’une formation pédagogique complémentaire.

Or les passerelles que leur offre le système actuel font tout pour les décourager. Des contraintes à l’entrée ainsi qu’une durée d’étude démesurée démotivent la plupart d’entre eux. En 2018, seulement 143 diplômés sont sortis des programmes de maîtrise qualifiante en enseignement au secondaire offerts dans les universités québécoises. C’est peu pour endiguer cette pénurie de main-d’oeuvre dont les médias parlent abondamment. Et c’est en partie ce qui nous permet d’affirmer que cette solution n’est pas suffisante.

Pour qu’un bachelier des matières enseignées au secondaire puisse accéder à un permis d’enseignement, il devra s’engager dans un parcours du combattant. Il constatera alors rapidement la faible reconnaissance que l’on fera de son diplôme initial. S’inscrire dans un programme de maîtrise en enseignement au secondaire de 60 crédits implique, dans la majorité des cas, de s’engager à faire quatre années supplémentaires d’université, mais à temps partiel.

Dans certaines universités, on exigera aussi, comme condition d’entrée, de détenir un lien d’emploi en enseignement dans cette discipline, dans un établissement scolaire secondaire — ce qui ne correspond pas à la réalité de la plupart des finissants du baccalauréat […]. Les aspirants qui acceptent de jouer ce jeu se trouvent alors précipités, sans préparation pédagogique, dans les classes. On peut rêver mieux comme début de carrière, sachant à quel point ce métier est exigeant.

Ajoutons au portrait que plusieurs cours proposés par les maîtrises qualifiantes ne sont offerts qu’à distance. Il y a peut-être là un côté pratique pour concilier famille-travail et travail-étude, mais apprendre à enseigner « en ligne » n’est sans doute pas une approche qui convient à tout le monde. En somme, il est urgent de revoir la passerelle entre les formations disciplinaire et professionnelle. À temps plein et plus courte, elle sera assurément plus attrayante.

Querelles stériles

 

En lançant, le 4 février, une pétition pour l’élargissement des voies d’accès à l’enseignement, l’Institut d’histoire de l’Amérique française ne s’attendait pas à une telle déferlante. Ce sont bien 1381 signataires — et non 300, comme l’écrivait Marc-André Éthier dans Le Devoir du 28 février — qui ont saisi le bien-fondé de notre démarche.

Ils ont appuyé notre proposition au ministre qui consiste à instaurer un certificat de 12 mois en pédagogie, assortie de stages. Contrairement aux dires du professeur Éthier, ce ne sont pas que des historiens qui ont soutenu cette démarche ; il y avait aussi des professeurs d’université de sciences pures et de lettres, de cégep, des enseignants du secondaire, des étudiants et de nombreux citoyens.

Ces signataires ont reconnu un élément fondamental. Les formations disciplinaires confèrent plus que du « contenu ». Elles développent aussi des compétences qui préparent à l’exercice d’enseignement. Parmi elles, on note la capacité d’analyse, le sens critique, l’intelligence sociale, la numératie, la transdisciplinarité, etc. Ces aptitudes convergent, en grande partie, avec celles qui figurent dans le référentiel de compétences professionnelles propres aux sciences de l’éducation. Ces acquis devraient être reconnus à leur pleine valeur lorsque vient le temps de concevoir pour les bacheliers un cursus complémentaire en pédagogie […].

Notre solution n’a jamais visé à dévaloriser la profession enseignante ni à réduire à des considérations simplistes les exigences posées par sa pratique. Nous cherchons plutôt à donner un meilleur accès aux diplômés universitaires de lettres, de sciences pures et de sciences humaines à une formation pédagogique. Pour cela, on devra tabler sur leurs acquis plutôt que de les nier. Nous croyons aussi fermement qu’une diversité de profils et de provenance donnera aux équipes enseignantes plus de force […].

Le débat qui s’est engagé sur un ton généralement posé et serein fait ressortir la volonté de plusieurs intervenants de réfléchir ensemble, en dehors des guerres corporatives et facultaires, aux enjeux fondamentaux soulevés par l’école actuelle. Nous pensons pouvoir apporter notre contribution à cette réflexion nécessaire dans le respect des expertises spécifiques du monde de l’éducation.

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