Pour un gouvernement durable

Malgré ses surplus, le gouvernement du Québec devrait renouer avec les déficits au cours de la prochaine décennie. C’est le constat qu’ont fait tant la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke que l’Institut du Québec.
Le gouvernement Legault doit mieux maîtriser les dépenses si l’on souhaite passer par-dessus les défis financiers annoncés. D’abord, il est important de reconnaître que ce ne sont pas les revenus qui manquent. Le Québec remporte toujours le triste titre d’État le plus taxé en Amérique du Nord, dépassant la moyenne des pays industrialisés.
Cette pression, on la sent à chaque saison des impôts. Un Québécois gagnant 40 000 dollars par année paie presque 50 % plus de taxes et d’impôts au gouvernement du Québec que s’il vivait de l’autre côté de la rivière des Outaouais, en Ontario, et ce, même avec l’ajustement de l’abattement pour le Québec.
Nos gouvernements en sont venus à accaparer une part de plus en plus grande de l’économie du Québec, passant de 36,2 % à 38,6 % au cours de la dernière décennie. Non seulement notre économie a continué à croître, augmentant par le fait même les recettes de nos gouvernements, mais en plus, nos gouvernements se sont approprié une part de gâteau.
Au cours de la même période, les revenus autonomes du Québec sont passés de 54 milliards de dollars à 90 milliards de dollars, avec l’ajustement de l’inflation. Ce ne sont pas les revenus qui manquent à Québec ; c’est l’explosion des dépenses qui est le problème.
Nos programmes sociaux ont, en grande partie, été conçus dans les années suivant le baby-boom, alors que la population québécoise était relativement jeune. En 1971, au Québec, l’âge médian était de 25,6 ans seulement. Cela signifie qu’il y avait un bon paquet de personnes sur le marché du travail.
Cela signifie aussi une forte augmentation des revenus gouvernementaux, vu le nombre élevé de travailleurs. Il y avait à l’époque 7,8 travailleurs pour chaque retraité. Or, les choses ont changé. Aujourd’hui, l’âge médian au Québec est estimé à 42,6 ans, et le ratio de travailleurs par retraités n’est plus que de 2,9. La situation continue d’empirer.
Ce vieillissement a déjà un fort effet sur notre budget en santé. En 1971, la santé accaparait un peu moins de 25 % du budget. Aujourd’hui, les soins de santé représentent près de la moitié du budget, et cette part continue de croître plus rapidement que les revenus ne croissent.
Donc, on se trouve dans une situation où le gouvernement va déjà chercher des sommes mirobolantes dans les poches des Québécois, où les dépenses augmentent rapidement à cause du vieillissement de la population et où le nombre de travailleurs assumant le fardeau fiscal de ces dépenses est en diminution. Il est clair que la situation est intenable.
L’Institut du Québec estime que, si rien n’est fait, le Québec passerait d’un surplus de 4,3 milliards cette année à un déficit de plus de 6 milliards de dollars d’ici la fin de la décennie. La bonne nouvelle, c’est que nous avons encore le temps de nous y attaquer. L’autre bonne nouvelle, c’est que nous connaissons déjà la solution.
Au cours des années 1990, le fédéral a failli foncer dans un mur. Tant son endettement que ses dépenses étaient hors de contrôle. Parmi les mesures que le gouvernement de Jean Chrétien avait prises à l’époque se trouvait une révision complète des programmes, avec, comme objectif, une réduction des dépenses.
C’est cette révision des programmes qui a permis au gouvernement fédéral de réduire son endettement et de renouer avec la viabilité financière. Une telle révision des programmes, au Québec, permettrait d’atteindre le même objectif. La différence est qu’en la faisant dès aujourd’hui, au lieu d’attendre d’être devant le fait accompli, nous pouvons diminuer l’effet sur la population.
Les exemples de gaspillage abondent. Plus tôt cette année, le rapport MacKinnon faisait état du fait que le Québec comptait 43 % plus d’employés administratifs par personne que la moyenne des provinces populeuses.
Pendant des années, François Legault a martelé qu’il souhaitait faire une réingénierie de l’État québécois. En assurer la viabilité financière à long terme, en faire un gouvernement durable serait le bon endroit par où commencer.
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