On achève bien les journaux locaux

En 2019, le public québécois a pris conscience de l’avenir incertain des médias écrits avec les déboires du Groupe Capitales Média, dont les six quotidiens régionaux étaient menacés de disparaître sans l’aide des gouvernements.
Ça ne va guère mieux pour les hebdos locaux, qui voient leurs sources traditionnelles de revenus se disperser dans différents médias de masse, dont les médias sociaux. C’est en marge de ce bilan plutôt sombre qu’un groupe de rédacteurs et d’artisans à la retraite ou non de la presse locale a soutenu la diffusion de cet appel de détresse.
Des hebdos disparaissent tandis que d’autres voient leur volume réduit comme une peau de chagrin. Certains d’entre eux publiaient jadis 36 pages ou même davantage avant Noël. En décembre 2019, ces journaux ont eu du mal à réaliser une édition de 12 pages.
Le métier de journaliste à l’échelle d’un quartier ou d’une ville a toujours été difficile à exercer en raison de la proximité avec les élus et les personnes en autorité. Fragilisés par des ressources limitées, les hebdos devront-ils faire preuve de plus de complaisance pour survivre ? C’est hélas le scénario dont certains maires profiteront pour abuser de leur autorité et faire subir l’arbitraire et le gaspillage de fonds publics à leurs concitoyens.
On a tous été témoins des démêlés judiciaires des maires de Chambly, Mascouche, Terrebonne et surtout Laval sous le règne du maire Vaillancourt, que notre confrère Stéphane St-Amour, du Courrier Laval, s’est appliqué à dénoncer.
Disparaître ?
Victimes successivement de la perte de revenus, avec la levée de l’obligation pour les villes de publier leurs avis publics dans les journaux, et de la montée en puissance des géants du Net qui écument le bassin publicitaire local, les journaux locaux de la région métropolitaine disparaîtront avec l’affaiblissement du Publisac, leur principal véhicule de diffusion.
Le dernier clou du cercueil de la presse locale pourrait bien être la disparition du Publisac, le seul moyen de diffusion financièrement abordable pour l’hebdo qui informe de nombreux résidents n’ayant accès à aucun autre média écrit gratuit.
Mais comment, nous direz-vous, les gens ne sont pas tous sur Internet ? De nombreuses familles ne possèdent pas d’ordinateur ou n’ont pas les moyens de s’abonner au Web. Des gens âgés et des membres de cuisines collectives gardent sur la table de cuisine l’hebdo et quelques circulaires pour faire leur épicerie.
Pour l’écolier de langue maternelle autre que le français, l’hebdo local est un moyen simple et accessible de lire des textes, de faire des mots croisés dans la langue de Molière, alors que les parents savent à peine dire bonjour dans cette langue. Rappelons que les rédacteurs connaissent mieux que quiconque l’importance du Publisac comme véhicule pour la distribution des hebdos.
Jadis, des camelots recrutés dans les écoles et parfois chez les scouts recevaient chaque semaine les journaux qu’ils devaient déposer dans toutes les boîtes aux lettres de leur secteur, moyennant rétribution. Hélas, pour des raisons démographiques ou autres, cette formule a périclité et elle ne peut aujourd’hui assurer une distribution adéquate des journaux. Il reste la poste, un moyen de distribution structuré, mais coûteux.
Conscients des enjeux environnementaux, les artisans des hebdos ne sont pas des défenseurs à tout prix du Publisac, mais ils souhaitent trouver un moyen de diffusion alternatif.
Ont signé ce texte Pierre Boulanger, Pierre Vigneault, Donald Brouillette, Julie Leduc, Véronique Leduc, Jean-Guy Marceau, Johanne Marceau, Michel Noël, journalistes actifs ou pigistes et artisans retraités des hebdos.