De l’importance du cours ECR

Le Québec a un ardent besoin de comprendre le rapport à la religion : les différentes postures à l’égard de la religion (athéisme, agnosticisme, foi), les différentes religions (chrétienne, juive, musulmane, autochtone, etc.) et les différentes façons de vivre la religion (en privé, en association et en lien avec une communauté d’appartenance ethnoculturelle). Alors que fait-on ? On fait disparaître le cours ECR ! Ce cours doit sans doute être amélioré, mais il ne faudrait pas réduire sa dimension religieuse. Au contraire, il faut l’approfondir !
Le ministre évoque plusieurs autres sujets dont il faudrait traiter. Plusieurs de ces thèmes renvoient à la citoyenneté. Il faut savoir cependant que le thème de la citoyenneté est, dans une très large mesure, pris en charge au sein des cours d’histoire. Les historiens demandaient plus d’heures d’enseignement, une centaine d’heures de plus. On leur a donné ces heures avec pour mandat de traiter de la citoyenneté. Il n’y a donc pas de réel besoin d’accorder des heures de plus à ce thème.
Si on invoque encore le thème de la citoyenneté, c’est seulement pour justifier la mise de côté de la religion dans toute sa diversité. Le Parti québécois (PQ) et la Coalition Avenir Québec (CAQ) viennent de nous faire passer de nombreuses années à débattre de la laïcité en s’appuyant sur une conception de la religion qui néglige son aspect identitaire pour certaines minorités. Cela démontre plus que jamais la nécessité de former les élèves au pluralisme en matière de religion.
La CAQ préfère réduire la place de la religion à une part congrue. Elle ne veut pas que les enfants soient exposés à la diversité du phénomène religieux et ne veut pas remettre en question sa propre vision de la religion. On va ainsi invoquer toutes sortes de faux-fuyants. Avec la loi 21, on prétendait viser toutes les religions, alors que nous savons très bien qu’elle n’existait que pour contrer la présence du foulard. Avec le futur cours, on va aussi invoquer toutes sortes d’autres enjeux, mais on sait très bien que c’est pour viser la religion. Encore une fois, les péquistes s’aligneront sur les positions de la CAQ.
Société tricotée serrée
Il fut un temps où les Québécois francophones, qui sont très majoritairement d’origine canadienne-française, s’identifiaient à la religion catholique. Cette religion contribuait à renforcer l’identité de la société canadienne-française et faisait de cette dernière une société tricotée serrée.
Depuis bon nombre d’années, la plupart des francophones sont ou bien des croyants discrets, ou bien des athées, des agnostiques, des anticléricaux ou des personnes indifférentes à la religion. Dans leur milieu, ils ne rencontrent que des gens pour qui la religion a peu ou pas d’importance, à moins de lui accorder une importance négative en tant que source potentielle de violence, et source bel et bien réelle de sexisme et d’homophobie.
En bref, la majorité francophone s’est largement affranchie de la religion, et ce, en partie à cause du caractère oppressant de l’Église catholique. C’est sur ce fonds de commerce que la CAQ et le PQ carburent depuis le projet de loi 60, la loi 21 et maintenant la volonté d’abolir le cours ECR.
On ne voit pas que si elle s’est affranchie de la religion, la majorité francophone ne s’est pas affranchie de son caractère de société tricotée serrée. Les francophones, vivant entre eux dans l’inexistence de l’Autre, ne rencontrent que des personnes affranchies de la religion. Il n’y a donc pour eux aucun problème à abolir le cours ECR.
Il s’avère cependant qu’au-delà de la majorité francophone, il existe des minorités qui s’identifient à la religion protestante, juive, sikhe, musulmane ou autochtone. De nombreux francophones ne voient pas que le respect, la tolérance, la compréhension, l’acceptation et la reconnaissance des identités minoritaires sont des enjeux d’intérêt public et qu’une société mature, inclusive et sûre d’elle-même doit avoir à coeur de s’occuper des minorités faisant partie de cette société.
D’où l’importance d’un cours ECR dans lequel on présenterait les différentes postures à l’égard de la religion (foi, agnostique, athée, etc.), les différentes religions (juive, chrétienne, musulmane, etc.) et les différentes façons de vivre la religion (en privé, en association et en communauté ethnoculturelle).
Le passage à l’adolescence d’une personne se traduit souvent par le rejet systématique de tout ce qui s’associe à l’enfance. Mais lors-qu’elle devient vraiment adulte, elle se rend compte que quand elle se livrait à un rejet aussi systématique, elle était encore à bien des égards un enfant.