L’intimidation et l’exclusion n’ont pas leur place dans la «maison du peuple»

«On devrait tous pouvoir être soi-même dans son milieu de vie ou de travail sans craindre d’être exclu», soutient Christine Labrie (photo).
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir «On devrait tous pouvoir être soi-même dans son milieu de vie ou de travail sans craindre d’être exclu», soutient Christine Labrie (photo).

Depuis mon arrivée en politique, je suis si régulièrement témoin de paroles ou d’événements choquants que j’en suis venue à craindre que ma capacité à m’indigner s’use. Or, il s’est produit cette semaine un événement qui dépasse de loin ce que j’ai pu voir ou entendre d’odieux jusqu’à maintenant, et qui m’a profondément bouleversée: des députés ont demandé à ce qu’une collègue soit exclue des activités parlementaires, parce qu’elle ne s’habille pas comme les autres.

Jusqu’à maintenant, j’ai eu de la chance, et le soin nerveux que je prends à préparer ma valise m’a protégée de ce qu’il convient clairement d’appeler de l’intimidation. Mais quelque chose en moi s’est brisé ce jeudi, et depuis j’ai du mal à regarder mes collègues dans les yeux: je ne sais plus si le respect qu’ils et elles me manifestent dépend de mes vêtements. 

Les intimidateurs font des ravages bien au-delà de la victime qu’ils choisissent. Ils créent aussi un sentiment de crainte chez les témoins, qui vont adapter leur comportement pour ne pas être la prochaine victime, quitte à ne plus se permettre d’être eux-mêmes.

On devrait tous pouvoir être soi-même dans son milieu de vie ou de travail sans craindre d’être exclu, mais s’il y a un lieu où c’est encore plus fondamental de respecter ce principe, c’est bien là où on rédige et vote les lois, parce qu’en tant que législateurs, en tant que représentants de la population, on a le devoir absolu de le faire en veillant à ce que personne ne soit exclu de notre société.

Plusieurs parlent de l’Assemblée nationale en l’appelant la « maison du peuple ». Pour que ce soit vrai, il faudrait que chaque personne, peu importe son origine sociale et ce qu’elle décide de porter, s’y sente bienvenue, que ce soit pour la visiter, ou pour y représenter ses concitoyens. 

Mais soyons francs: historiquement, ça a surtout été la maison de l’élite économique, comme en témoigne le droit de vote longtemps réservé aux propriétaires terriens, puis aux hommes. Depuis l’obtention du suffrage universel, cette élite a entretenu sa place au pouvoir en imposant ses codes comme la norme à respecter, au détriment d’une véritable représentativité.

Les tentatives d’ostraciser ceux et celles qui ne se conforment pas parfaitement aux codes de l’élite ne sont qu’une manière de leur faire comprendre qu’ils ne sont pas chez eux, qu’ils n’y seront jamais à l’aise, et qu’ils devraient laisser la place à d’autres. À ceux qui s’y sentent confortables, évidemment. Ce sont des tentatives désespérées de l’élite pour se maintenir au pouvoir.

Ne nous y trompons pas. L’Assemblée nationale nous appartient comme peuple, et ce sont ceux et celles qui ne sont pas à l’aise de côtoyer la diversité de notre peuple qui devraient rester chez eux. Car s’ils sont prêts à exclure des collègues pour leur apparence, à les harceler au point de rendre leur vie impossible, on ne peut pas leur faire confiance pour veiller à ce que personne ne soit exclu de notre société.

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