Pour une politique nationale d’aménagement du territoire

Des terres agricoles sont trop facilement dézonées au profit d’entreprises privées ou pour l’implantation de nouveaux services publics, remarque l'auteur.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Des terres agricoles sont trop facilement dézonées au profit d’entreprises privées ou pour l’implantation de nouveaux services publics, remarque l'auteur.

En 2019, la lutte contre les changements climatiques ne peut être dissociée de l’aménagement et de l’utilisation du territoire. C’est pourquoi, quelques jours après son congrès annuel, l’Ordre des urbanistes du Québec tient à saluer à la fois la détermination du mouvement citoyen et la récente adoption par le gouvernement du Québec d’une déclaration d’urgence climatique.

Ce premier pas symbolique est notable, mais, pour être efficace, il devra rapidement se traduire en actions. Pour être cohérent, l’État devra revoir ses manières de penser et de développer le territoire. Car en plus d’être un bien collectif, celui-ci est une ressource limitée, fragile et irremplaçable que nous devons tous protéger et mettre en valeur. Nous ne pouvons plus aborder son aménagement comme au siècle dernier. En 2019, l’État doit donner l’exemple.

Il nous apparaît déconcertant qu’encore aujourd’hui, des terres agricoles soient dézonées par un simple décret, sans autre forme de consultation et au profit d’entreprises privées ou pour l’implantation de nouveaux services publics qui pourraient pourtant contribuer à la revitalisation de secteurs urbains dévitalisés. Il est incohérent aussi qu’en dépit de la responsabilité des énergies fossiles dans les dérèglements climatiques, des projets de gazoduc et de terminal méthanier puissent encore être reçus sans considérer toutes les répercussions potentielles sur la biodiversité des espaces naturels et sur les espèces animales menacées concernées. Ou encore, que le gouvernement persiste à aller de l’avant avec de nouveaux projets autoroutiers malgré le consensus scientifique qui en montre les défauts. On sait depuis plus d’une décennie que près de 40 % des émissions de gaz à effet de serre au Québec sont dues au secteur des transports. Il est temps de changer de paradigme.

En 2019, on attend aussi de l’État québécois qu’il engage la majorité de ses ressources à répondre aux besoins actuels et futurs des populations. Dans cette optique, toutes les décisions gouvernementales et les fonds publics qui y sont rattachés devraient être consacrés aux projets qui favorisent un avenir et un développement territorial durables. En matière de transports, les investissements ne devraient donc pas être dirigés vers de nouveaux projets autoroutiers qui encouragent l’utilisation de l’auto solo et l’étalement urbain, mais plutôt vers les transports collectifs et actifs. Qui plus est, il vaudrait mieux réparer, voire améliorer, le réseau routier déjà existant, que le manque d’entretien rend parfois dangereux pour les piétons, les cyclistes et les automobilistes, plutôt que d’investir dans de nouveaux tronçons coûteux, tant d’un point de vue financier qu’environnemental.

Vision d’ensemble cohérente

Il en va de la préservation de nos milieux de vie, de notre santé et de celle des générations futures, mais aussi du traitement équitable de chacune des régions du Québec. Déjà aujourd’hui, les effets négatifs des bouleversements climatiques sont visibles d’un bout à l’autre de la province, que ce soit sous la forme de crues printanières particulièrement importantes, de l’érosion anormale des berges ou de la fonte accélérée du pergélisol. Dans plusieurs cas, c’est notre manière d’occuper le territoire qui est en cause, que cela soit dû à des décisions anciennes ou récentes.

Dans cette optique, le gouvernement doit donner aux municipalités et à leurs professionnels les moyens d’intervenir, tout en leur offrant une vision d’ensemble cohérente de l’aménagement du territoire. C’est pourquoi, vu que le gouvernement reconnaît enfin l’urgence d’agir en matière de lutte contre les changements climatiques, il nous apparaît impératif de nous doter collectivement d’une Politique nationale d’aménagement du territoire et d’un cadre réglementaire intégrant les principes du développement durable.

Parce qu’en 2019, nous ne pouvons plus dissocier cette lutte de l’aménagement du territoire. Bien sûr, ce sont les municipalités qui sont sur la ligne de front, mais c’est à l’État qu’il incombe de faire preuve de courage et de poser des balises claires pour veiller à la préservation de ce bien commun, dont nous sommes tous, ultimement, responsables.

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