Le bruit croissant des avions au-dessus de Villeray

Ma conjointe et moi habitons Villeray depuis 10 ans. Le bonheur : le marché Jean-Talon, la convivialité du voisinage, etc.
À l’automne 2018, le bruit des avions nous frappe soudainement. Jour après jour, du matin tôt au soir très tard, c’est le défilé d’avions à basse altitude au-dessus de nos têtes. On dirait qu’ils ont adopté la rue Villeray comme autoroute pour rentrer au bercail ou quitter la ville. C’est tellement dérangeant que nous envisageons, avec tristesse, de déménager…
Une lettre de Simon Beauchesne parue en 2017 dans Le Devoir et intitulée Dans Villeray, les avions ont tué notre quartier rapportait la même situation : « Le problème est simple, nous vivons sous les avions. Des avions nous réveillent le matin, […] des avions nous empêchent de tenir une discussion le midi, […] des avions compliquent l’heure du coucher et nous réveillent en pleine nuit. […] »
Recommandation de l’OMS
Il s’agit bien là de notre situation actuelle dans Villeray, à 15 km de l’aéroport ! Selon les chiffres d’Aéroports de Montréal (ADM), Montréal a connu une progression de 52 % du nombre de passagers accueillis depuis 2008-2009 pour atteindre 19,4 millions de passagers en 2018. Et c’est loin d’être fini : on projette 35 millions de passagers en 2035 en construisant une nouvelle aérogare !
Dans son rapport sur le bruit et la santé en 2017, la Direction régionale de santé publique souligne que leurs études « démontrent que 60 % de la population de l’île de Montréal serait exposée à des niveaux de bruit moyens qui excèdent la recommandation de l’Organisation mondiale de la santé ». En fouillant, je découvre Les pollués de Montréal-Trudeau, un organisme qui depuis 2012 aide les citoyens victimes de pollution sonore causée par le passage intense des avions : représentations auprès des élus, aide aux démarches des citoyens touchés, installation de stations de mesure du bruit des avions (voir www.ww-ans.net), démarches juridiques.
J’ai écrit à ADM et aux représentants gouvernementaux (fédéral, provincial, Ville de Montréal). La plupart m’ont adressé à d’autres et ADM m’a dit agir en conformité avec les règlements. Seule une représentante de la Direction de la santé publique m’a répondu qu’il y a effectivement là une situation problématique, mais… qu’elle ne peut rien y faire.
J’ai fermé les fenêtres, démarré ventilateurs et climatiseur pour passer l’été et couvrir le bruit. J’ai néanmoins signalé régulièrement à ADM le passage des avions dérangeants au moyen de l’application AEROplainte.ca. J’ai aussi précisé ma compréhension des problématiques en observant parfois flightradar24.com qui affiche en temps réel les avions qui passent (altitude, modèle, etc.).
Par une belle journée de fin août, j’ose rouvrir les fenêtres. Entre 18 h et 20 h, je soumets 20 plaintes. Un avion à basse altitude, toutes les 5 minutes ! Revoilà l’aéroport Trudeau installé dans mon salon, à deux pas du marché Jean-Talon.
À court terme, visons au moins des trajets d’atterrissage et de décollage plus diversifiés, pour éviter les séquences de bruit intenses au même endroit, des avions circulant à plus haute altitude et des heures de passage décentes. Les autorités gouvernementales doivent faire appel à une expertise indépendante pour élaborer des solutions et les faire appliquer par ADM.
Parallèlement, on doit favoriser le développement d’avions moins bruyants avec des moyens de propulsion moins toxiques et limiter la quantité de trafic aérien à des niveaux convenables pour la santé.
Le fossé se creuse entre les objectifs de santé publique et le développement économique. Si on souhaite continuer de voyager en avion avec une population en croissance et un environnement de plus en plus précaire, il nous faut bouger maintenant…