Pour un 1er juillet qui ne laisse personne sans toit

Le 1er juillet, jour du déménagement, est une date estivale emblématique au Québec avec des milliers de déplacements qui accompagnent la fin de plusieurs baux résidentiels.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Le 1er juillet, jour du déménagement, est une date estivale emblématique au Québec avec des milliers de déplacements qui accompagnent la fin de plusieurs baux résidentiels.

Le 1er juillet, jour du déménagement, est une date estivale emblématique au Québec, avec des milliers de déplacements qui accompagnent la fin de plusieurs baux résidentiels. Ces derniers marquent pour de nombreuses personnes l’arrivée dans un quartier qui correspond davantage à leurs besoins, à leur entrée aux études supérieures ou au début de leur vie adulte.

Le 1er juillet peut toutefois prendre un visage beaucoup plus sombre pour ceux et celles qui doivent quitter leur appartement à la suite d’une augmentation importante de leur loyer, qui ne peuvent plus endurer des conditions de logement malsaines pour leur famille, ou qui se font simplement demander par leur propriétaire de quitter les lieux dans des délais plus ou moins serrés.

On peut par exemple penser à Stéphanie, qui doit quitter un logement insalubre, dans lequel elle a été constamment aux prises avec des problèmes de tuyauterie non réparée, ainsi que la présence de souris et de coquerelles qui rendaient impossible l’entreposage de nourriture dans le garde-manger et qui limitaient l’accès à la salle de bain pour elle et ses enfants en bas âge. Les visites régulières d’une équipe d’exterminateurs ne sont pas venues à bout du problème, tout en les obligeant à dormir dans des hôtels ou chez des proches durant ces mêmes visites. Lors d’un entretien réalisé à la fin mai, Stéphanie n’avait toujours pas trouvé de logement, malgré des semaines de recherche et l’aide qu’elle a reçue de différents services sociaux et communautaires.

On peut également penser à Asha, qui s’est fait demander par son propriétaire de partir sans négociation, et qui a appris que ce dernier comptait augmenter le loyer mensuel de presque 300 $ après le départ de sa famille. Ou encore à Clémence, qui a été expulsée pour faire place — prétendument — à un membre de la famille du propriétaire qui n’a pas emménagé, l’appartement étant vide à ce jour.

Les trois personnes mentionnées ici habitent dans Parc-Extension, un quartier caractérisé à la fois par des taux de pauvreté et de chômage supérieurs à la moyenne montréalaise, un important problème d’insalubrité des logements et une pression à la hausse sur les loyers. Cette pression va augmenter considérablement dans les prochains mois avec la fin de la construction de la première phase du Campus MIL de l’Université de Montréal au sud du quartier, ce qui risque d’accroître l’instabilité résidentielle des ménages les plus démunis.

Bien que ces trois histoires, collectées dans le cadre d’un projet de recherche-action mené en collaboration avec le Comité d’action de Parc-Extension (CAPE), se déroulent dans un quartier avec des réalités et des défis qui lui sont propres, elles trouvent certainement d’innombrables équivalents dans le reste de la métropole. Avec une augmentation soutenue des loyers et un taux d’inoccupation évalué à 1,9 % en octobre 2018, qui descendait à 0,2 % pour les logements à trois chambres dans des arrondissements comme Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension et Hochelaga-Maisonneuve, il semble bien que Montréal soit de plus en plus inaccessible pour les ménages à faible revenu.

Solutions à long terme

Bien que le service de référence de l’Office municipal d’habitation de Montréal se soit engagé à intensifier son aide pour répondre aux nombreuses pertes de logement à prévoir, des solutions à plus long terme doivent également être mises en avant. Parmi les initiatives qui permettraient d’atténuer la hausse des loyers et la perte de logement — à Parc-Extension et ailleurs —, nous pouvons mentionner un investissement accru dans les protections juridiques pour les locataires incluant la mise en place d’un registre des baux et la réglementation des Airbnb. Les réserves foncières sont un autre outil important, puisqu’elles peuvent empêcher la hausse du prix d’un terrain en attendant que le financement pour des projets de logement social soit sécurisé. Nous recommandons aux administrations de la Ville et des arrondissements d’acquérir, par l’entremise des fonds disponibles dans les programmes municipaux et à la Société d’habitation du Québec, des propriétés non entretenues et délabrées pour permettre la construction de nouveaux logements subventionnés et coopératifs. On peut noter à cet égard qu’il n’y a eu aucune construction de HLM à Montréal depuis 1994, et qu’environ 900 ménages sont sur la liste d’attente pour obtenir un logement social à Parc-Extension seulement.

Nous faisons face à une situation très préoccupante, pour laquelle il n’existe pas de solution unique, mais il est toutefois certain que l’inaction ne peut qu’aggraver l’état actuel des choses. Des mesures sont nécessaires pour que le 1er juillet ne soit plus un moment de désolation, d’angoisse ou de désespoir pour quiconque.

* Liste des signataires : Emanuel Guay, Jenny Cartwright, Shazma Abdulla, Vijay Kolinjivadi, Alessandra Renzi, Karine Saboui, Aaron Vansintjan, Tamara Vukov.

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