La vraie cause de l’étalement urbain

La problématique de l’étalement n’en serait plus une si on modifiait simplement la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, croit l'auteur.
Photo: Olivier Zuida Le Devoir La problématique de l’étalement n’en serait plus une si on modifiait simplement la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, croit l'auteur.

Peu après sa nomination, le nouveau ministre des Transports du Québec, M. Bonnardel, annonçait l’intention de son gouvernement d’aller de l’avant avec le prolongement, entre autres, des autoroutes 13 et 19, de même qu’avec l’ajout de voies sur la 30 ou même la construction du « troisième lien » entre Québec et Lévis.

Il n’en fallait pas plus pour que plusieurs organisent les funérailles de nos terres agricoles. Pour beaucoup, l’élargissement ou le prolongement d’autoroutes, ou la construction de réseaux de transport comme le REM, engendreront nécessairement un saccage en règle de nos terres agricoles, sur lesquelles on fera pousser des bungalows plutôt que des haricots.

L’histoire récente le démontre : que ce soit avec l’élargissement de l’autoroute 15 vers Saint-Jérôme ou avec le prolongement du métro vers Laval, l’amélioration des modes de transport vers les banlieues induit un fort déplacement de la population.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Dans les dix années qui ont suivi l’élargissement de la 15, la population de Mirabel, dans les Laurentides, a augmenté d’environ 45 % et a généré la construction de plus de 5000 habitations, très majoritairement des bungalows. Il suffit de regarder les abords des stations de métro à Laval pour y voir pousser des tours d’habitation.

Or, il est faux d’affirmer que l’amélioration d’une offre de transport provoque, en soi, de l’étalement. Cela n’est vrai qu’à cause de la législation particulière qui encadre la protection des terres agricoles au Québec.

Le problème de l’étalement urbain, au Québec, est dû aux dispositions de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (LPTAA). Cette loi, instituée en 1978 par le ministre Jean Garon, a été instituée après des rapports dévastateurs concluant que si rien n’était fait pour protéger les terres agricoles au Québec, celles-ci auraient pratiquement disparu au tournant des années 2000. Le gouvernement devait agir.

Pourtant, l’opposition était extrêmement forte, et la loi fut très difficile à faire adopter. Pour aider à faire accepter cette nouvelle loi, le gouvernement Lévesque a permis aux villes et aux municipalités régionales de comté (MRC) de demander une extension de leur territoire constructible. Celles-ci, généralement, se basent sur la croissance de la population au courant des cinq à dix années précédentes et projettent ces chiffres dans le futur. On demandera à la Commission de protection du territoire agricole du Québec un dézonage en se basant sur l’espace requis pour loger toute la population à venir.

Impact sur les terres agricoles

 

On peut s’attendre à ce que des villes comme Mirabel se servent de cela pour demander un maximum de terres agricoles, tout en sachant que, dans son cas, les chiffres sont faussés par l’élargissement ponctuel de l’autoroute 15. Si l’extension de sa zone « blanche » est accordée, on peut s’attendre à voir des milliers de bungalows se construire sur les meilleures terres arables de la province.

Heureusement que la Commission fait en sorte que ces villes sont obligées de négocier. Depuis les années 1990, celle-ci a refusé des autorisations sur plus de 80 000 hectares. Bien qu’officiellement, la superficie totale de la zone agricole n’ait à peu près pas changé depuis des années, on omet l’ensemble des zones qui n’ont pas été protégées. Là, c’est l’hécatombe : plus de 66 000 hectares de terres agricoles ont été détruits depuis 30 ans.

Il ne faut pas se surprendre qu’on entende aujourd’hui des maires de la Rive-Nord faire front commun pour demander la construction de nouvelles autoroutes. Dans les dernières années, ces mêmes maires ont laissé des milliers de nouveaux habitants s’installer chez eux pour profiter des bas prix et, visiblement, aucun de ces nouveaux habitants n’a réalisé qu’ils sont eux-mêmes la cause de la prolifération des bouchons de circulation.

Pourtant, cette problématique de l’étalement n’en serait plus une si on modifiait simplement la loi. Il serait possible, gratuitement, de geler le périmètre d’urbanisation de villes de banlieue, ce qui ne leur laisserait aucun autre choix que de densifier leur bâti en stoppant net l’étalement urbain. Rappelons aussi que le Québec s’est doté de cibles de réduction d’émissions de gaz à effet de serre qu’il est en voie de manquer.

Évidemment, ce genre de mesure prendrait un courage politique énorme. Les différents gouvernements provinciaux l’ont toujours su : la densification du bâti dans les villes de banlieue, bien que nécessaire, leur ferait perdre en attractivité, car les grands espaces bordés de grands boulevards sont exactement la raison qui nourrit leur croissance et qui fait le bonheur de leurs habitants. Le nouveau gouvernement agira-t-il pour le bien à long terme de tous les Québécois ? Malheureusement, on pourrait penser que la réponse est négative, attendu que plusieurs des villes qui grugent la terre ont formé le terreau de sa victoire.

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