Octobre d’espoir ou sombre octobre?

Depuis la Conquête, nous, Québécoises et Québécois, n’avons jamais connu une seule journée d’indépendance. Et nous voilà maintenant dans une ère où la conjoncture vécue par la planète entière oblige chacune des sociétés nationales qui la peuplent et la composent à compter sur tous les outils possibles pour répondre aux pressions croissantes s’exerçant sur chaque citoyenne et citoyen de tout territoire donné et pour se trouver ainsi à même de contribuer à la marche générale mondiale des choses.
L’élection du 1er octobre prochain au Québec sera au moins aussi capitale que toutes celles qui l’ont précédée depuis la mise en place, sous l’Acte constitutionnel de 1791, d’un premier Parlement québécois. Au tout début, l’Assemblée se réunissait encadrée par un pénible régime d’occupation britannique. Puis il y eut le régime d’exception militaire (fin 1837-début 1841), lequel se termina à l’inique Proclamation du Canada (10 février 1841) qui mit fin au Parlement québécois. Après l’AABn (1867), un nouveau Parlement québécois, provincial celui-là, fut installé, de nouveau à Québec, et a permis à la nation québécoise de gérer une portion d’État, ce qui a assuré une survie politique à la vie nationale québécoise, mais dans des conditions continuellement difficiles parce qu’elle y était limitée par le contrôle ultime d’un gouvernement central de la nation qui s’identifia d’abord comme britannique, puis canadienne.
Les dernières grandes péripéties politiques ayant affecté récemment la nation québécoise (la plus essentielle étant le référendum de 1995, nettement gagné par le Oui chez les francophones, formellement perdu au total, mais non sans avoir provoqué un questionnement fondamental sur les interventions on ne peut plus suspectes de l’État canadien), l’ont propulsée dans une dérive inquiétante marquée par une détresse certaine et une tentation de la démission au regard de l’héritage pourtant tenace laissé par toutes les générations antérieures.
L’avenir du Québec
Donc, à l’élection prochaine, l’avenir non seulement du mouvement indépendantiste mais du Québec même se jouera possiblement, notamment à cause d’un système électoral qui ne favorise pas pleinement l’expression de la volonté démocratique.
Pour les Québécois de toutes convictions et de toutes origines, cette élection sera un pensez-y bien, l’occasion d’une réflexion en profondeur. Les enjeux sont si lourds qu’il ne saurait être question, « quoi qu’il advienne », pour reprendre l’expression historique du premier ministre Robert Bourassa, de ne pas être présents sur le terrain pour poursuivre la lutte vitale du peuple québécois. Mais nous souhaitons bien sûr que cela se manifeste dans les meilleures conditions possibles.
Le Québec ne peut plus continuer avec un gouvernement issu de son Assemblée nationale dont la ligne politique correspond à celle pilotée à son égard par la nation canadienne, comme si le Parlement québécois était une simple succursale régionale sous l’autorité politique de celle-ci. C’est ce que la dernière version du pouvoir libéral dans la Vieille Capitale a donné sous Philippe Couillard : une caricature de ce qu’a été le grand parti politique d’Honoré Mercier et de Jean Lesage, transformé en son propre champ de ruines.
Il ne peut pas davantage retourner à une phase antérieure de notre histoire, avec ce que cela implique de mollesse dans la résistance et de maladresse dans l’ouverture aux nouvelles réalités du Québec. La CAQ est peut-être une coalition comme l’avait été à l’origine le parti de M. Duplessis, mais, tout comme celui-ci, elle n’est pas porteuse d’avenir et ne mérite pas son nom.
Le Québec ne peut se battre éternellement contre lui-même, en adoptant régulièrement des politiques contraires à ses intérêts, à ses aspirations, à son respect de lui-même, au bien public pour tout dire. Il doit à tout prix reprendre l’initiative de son combat pour son émancipation et relancer sa marche vers l’avant, au lieu de s’enfoncer dans un bourbier fait de reculs, de grandes et de petites frayeurs, de médiocrité érigée en système.
* Texte appuyé par Michel Blondin, Jocelyne Couture, André Jacob, Micheline Labelle, Jean-François Payette, Samie Pagé-Quirion, Ercilia Palacio-Quintin, Michel Roche, Simon-Pierre Savard-Tremblay, Pierre Serré, membres du conseil d’administration des Intellectuels pour la souveraineté (IPSO).