La pollution sonore, un problème de santé publique

Au Québec, selon une évaluation modérée, les coûts sociétaux des effets du bruit environnemental s’élèveraient en 2014 à près de 680 millions de dollars par année.
Photo: Matt Rourke Archives Associated Press Au Québec, selon une évaluation modérée, les coûts sociétaux des effets du bruit environnemental s’élèveraient en 2014 à près de 680 millions de dollars par année.

Le 25 novembre 2015, à la suite d’une demande faite par le MSSS, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) publiait un Avis étayé par une recension de la documentation et appuyé par de nombreux scientifiques faisant la promotion des environnements sonores sains par l’adoption d’une Politique québécoise de lutte contre le bruit environnemental.

Bien que longtemps considéré comme une simple nuisance, le bruit environnemental, la seconde source de pollution après la pollution atmosphérique, est maintenant considéré par l’Organisation mondiale de la santé comme un risque à la santé qui peut avoir de multiples conséquences, tant physiques que pyschosociales.

Au Québec, selon une évaluation modérée, les coûts sociétaux des effets du bruit environnemental s’élèveraient en 2014 à près de 680 millions de dollars par année.

Pour la première fois, l’analyse de différentes données permet d’estimer qu’en 2014 au moins 640 000 personnes de 15 ans et plus auraient été exposées à des niveaux de bruit environnemental nuisibles, susceptibles d’entraîner un fort dérangement causé par l’une ou l’autre des sources de bruit environnemental extérieur.

Le bruit environnemental, comme le rapporte l’Avis de l’INSPQ, peut être source de troubles du sommeil, de problèmes d’apprentissage en milieu scolaire, de maladies cardiovasculaires, de nuisance (gêne, dérangement), de perte auditive et d’acouphènes, sans oublier la perte de jouissance paisible de la propriété et la diminution significative de la qualité de vie.

Ne rien faire

 

Devant cet enjeu de santé publique, le gouvernement ne peut plus plaider l’ignorance. Pourtant, depuis le dépôt de l’Avis et sans égard au principe de précaution, le gouvernement a décidé de ne rien faire.

En outre, fait étonnant : à ce jour, aucun des partis politiques n’a jugé approprié d’inscrire à son programme électoral l’engagement d’adopter une Loi favorisant des environnements sonores sains.

Le bruit environnemental est de plus en plus source de plaintes et de poursuites, révélant des problèmes d’acceptation sociale. Ces réactions citoyennes témoignent des divergences au sein de la société, notamment dans la vision et le modèle de développement du territoire, et les besoins de quiétude.

Pour atténuer le problème, plusieurs municipalités ont adopté une réglementation en matière de nuisances sonores, réglementation comportant des exigences et des sanctions variables qui rendent l’application difficile.

Difficile en raison du fait que rares sont les municipalités qui ont fait l’acquisition de sonomètres pour mesurer le niveau de bruit et qui ont à leur service des techniciens compétents pour les utiliser, techniciens qui pourraient être témoins experts lors de l’audition des plaintes à la Cour municipale.

Quant aux poursuites civiles, généralement dans le cadre d’actions collectives qui se rendent souvent jusqu’en Cour suprême, elles durent de nombreuses années : 15 ans dans le dossier Ciments St-Laurent dans la Ville de Beauport et 12 ans dans l’affaire du Parc linéaire du Petit train du Nord.

La bonne nouvelle, c’est qu’aujourd’hui les environnementalistes et les personnes incommodées par le bruit peuvent s’appuyer sur la jurisprudence de la Cour suprême dans l’affaire Ciments St-Laurent, qui a accordé un dédommagement de 15 millions à un groupe de 2000 résidents.

En gros, le jugement soutient que, même sans avoir commis de faute, une entreprise qui cause des inconvénients anormaux en est responsable. Une décision qui devrait transformer les relations de voisinage entre entreprises et citoyens.

 

La seconde information encourageante au regard des nuisances sonores repose sur le fait que des mesures efficaces et prometteuses de prévention ont été recensées dans l’Avis de l’INSPQ.

Ce qui permettrait d’agir en amont du problème, alors qu’au moins dix ministères et onze organisations se partagent des responsabilités en cette matière, d’où la nécessité de coordonner les interventions impliquant tous les secteurs et paliers décisionnels.

Devenir un modèle

 

En s’inspirant à la fois des 14 recommandations contenues dans l’Avis de l’INSPQ et du modèle français d’Observatoire du bruit, le Québec pourrait devenir un modèle en matière de promotion des environnements sonores sains.

Mais pour atteindre cet objectif de santé publique deux composantes demeurent indispensables : volonté politique et détermination des décideurs publics, une combinaison qui fait actuellement cruellement défaut.

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