Le syndrome du «toujours plus»

Dans le débat qui fait rage actuellement concernant la rémunération des médecins spécialistes, c’est la récente conférence de presse de la présidente de la FMSQ, Mme Diane Francoeur, qui me pousse à prendre la plume.
Avec le soutien moral de M. Lucien Bouchard (tiens, le même Lucien Bouchard qui n’a pas hésité à mettre la hache dans le système de la santé quand il était au pouvoir), Mme Francoeur a affirmé que la nouvelle entente entre la FMSQ et le gouvernement du Québec n’était pas un cambriolage. Mais avouez, Madame, que vous pigez allègrement dans la caisse de notre système de santé sous le prétexte que les spécialistes doivent rattraper l’écart salarial qui existerait avec l’Ontario. Pourquoi ne pas vous comparer avec les médecins de la Russie ou ceux de Cuba ? Vous verriez que nos médecins sont très bien payés. Et que dire des arguments entendus par-ci par-là qu’aux États-Unis les médecins peuvent se permettre de décorer leur cabinet de consultation avec des oeuvres d’art, sinon que l’on veut faire comprendre que les spécialistes du Québec sont encore loin du compte.
Vient ensuite l’énumération maintes fois évoquée de la lourdeur de la tâche, les longues études, la féminisation de la profession, les gardes de nuit, les gardes de fin de semaine et alouette.
Quant à l’affirmation de notre premier médecin, pardon, notre premier ministre, que cette entente va économiser 3 milliards au gouvernement, c’est vraiment prendre les gens pour des valises.
Toute cette litanie d’arguments plus byzantins les uns que les autres escamote à mon avis la réalité simplement factuelle : avec l’augmentation progressive de leur rémunération depuis dix ans, les médecins spécialistes font maintenant partie du 1 % les mieux payés au pays, systèmes public et privé confondus.
Avec la nouvelle entente, les médecins spécialistes seront dans le cercle des « happy few » du 0,5 % les mieux payés, gracieuseté des contribuables.
On aura beau ratiociner, je ne vois pas par quelles arguties on pourrait justifier cet état de fait.
Non, la seule explication valable à mes yeux (quelques commentaires publiés dans Le Devoir, Yves Gingras par exemple, vont dans le même sens), c’est Platon qui l’a déjà donnée quatre siècles avant notre ère : c’est sa fameuse « pléonexia » : la cupidité, l’avidité ou, pour utiliser une traduction en terme médical, le syndrome du « toujours plus ».
Selon Platon, c’est la source de tous les maux du monde, elle a rompu l’harmonie qui régnait dans la Cité primitive, elle introduit l’injustice, la jalousie et le désordre social. Est-ce que la FMSQ réalise que le lien de confiance et de respect avec la population est en train de se rompre ?
À écouter leur conférence de presse, on peut en douter.
Oui, la direction de la FMSQ, au lieu de réfléchir à la valeur financière du port de la jaquette ou du coup de téléphone à un patient, devrait lire un peu Platon ou d’autres philosophes et sociologues et même des poètes comme le suggère avec justesse et pertinence M. Alexandre Klein dans Le Devoir du 22 mars dernier.
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