L’Orchestre métropolitain, un joyau

Quel concert sidérant vous nous avez offert à la tête de vos musiciens de l’Orchestre métropolitain vendredi soir avec Medtner et Tchaïkovski. Époustouflant de beauté, d’éloquence, de profonde musicalité. Cette grande musicalité qui est la vôtre touche maintenant chacun des musiciens de l’Orchestre en lui offrant l’immense possibilité d’exprimer la sienne propre. Ce que je ressens personnellement depuis quelque temps à entendre votre orchestre, c’est que, par votre générosité, votre amour de la musique, vous avez nourri chacun de vos musiciens de vos propres découvertes musicales, de vos grands succès personnels réalisés avec les grands orchestres mondiaux, ceux de Rotterdam, de Londres, de Salzbourg, de Berlin, de Philadelphie, de New York, pour n’en nommer que quelques-uns.
Votre plus grand mérite, c’est de ne pas avoir engrangé votre expérience et vos succès à des fins personnelles égoïstes ou égocentriques et narcissiques, revenant au Québec et à l’Orchestre pour commettre un concert avec une phalange de seconde zone. Vous avez, à mon sens, communiqué la passion du dépassement, le goût de l’excellence technique et musicale, le sens de l’accomplissement personnel et de communauté de groupe dans un geste artistique que je n’ai encore jamais vu ni au Québec ni ailleurs dans le monde musical international.
L’Orchestre métropolitain est devenu un joyau que vous ciselez sans relâche et qui est en train de devenir un des orchestres les plus importants au monde. Quand vous êtes parti en tournée européenne récemment, j’ai suivi avec le plus grand intérêt les articles du journaliste-chroniqueur du Devoir Christophe Huss… Quelque chose d’extraordinaire se passait sur scène… Nous avons admiré par ses écrits l’épanouissement, l’accomplissement qui étaient en train de surgir. Je me disais en mon for intérieur que c’était peut-être pas mal beaucoup. Et vendredi, non, ce n’était pas en Europe le miracle, c’était à la Maison symphonique de Montréal, bien chez nous devant une salle remplie, absolument silencieuse, à l’écoute des moindres nuances de jeu de chaque section musicale de l’orchestre. Il y avait dans le Concerto de Medtner du début, UNE sonorité somptueuse, UNE identité, UNE musicalité maintenant uniques à l’Orchestre métropolitain.
Si au Québec, on peine avec l’identité, avec la langue, nous avons au moins un organisme qui peut se vanter d’avoir son identité propre, sa musicalité bien québécoise. Comme j’ai travaillé trente ans à la radio musicale de Radio-Canada, diffusant les meilleurs musiciens, les meilleurs chanteurs d’opéra, les meilleurs orchestres, quelle n’est pas ma stupéfaction de constater que l’Orchestre métropolitain a non seulement rejoint les meilleurs, mais en dépasse maintenant quelques-uns et non les moindres. Oui, Yannick, je vous donne un immense crédit : celui de votre immense talent, mais celui non moins important d’avoir communiqué votre talent à vos doués musiciens tous aussi extraordinaires les uns que les autres à faire de la grande musique dans un même élan, une même cohésion. Vous êtes la preuve qu’avec de bons programmes de concert, de bons compositeurs, un excellent chef et d’excellents musiciens, on peut offrir des concerts de grande qualité technique et musicale et toucher profondément l’âme des auditeurs, les nourrir, ce pour quoi l’art et la musique existent.
Quand on sait que ce sont des musiciens issus des meilleures écoles du Québec qui se battent depuis plus de trente ans pour survivre, je suis béate d’admiration devant la grande qualité d’orchestre que vous avez ensemble atteinte. Je sais que ces musiciens ne sont pas bien reconnus à leur juste valeur, qu’ils n’ont pas encore un salaire décent qui leur permettrait de se consacrer entièrement encore plus à leur art et ils ont toute mon admiration pour leur courage de continuer, de persévérer à se tenir ensemble pour nous offrir un si haut niveau de performance. Honte, mépris de ma part pour l’indigence, l’ignorance des gouvernements et des donneurs de subventions. Longue vie à l’Orchestre métropolitain et le plus beau des bravos au chef et à chaque membre de l’Orchestre métropolitain ainsi qu’à son dynamique directeur et à l’équipe de production.