Remettre les pendules à l’heure

Pendant qu’on ne fait rien, le temps joue en faveur de mon voleur et mes montres risquent de se retrouver sur un site de revente de montres volées, croit François Lambert. 
Photo: iStock Pendant qu’on ne fait rien, le temps joue en faveur de mon voleur et mes montres risquent de se retrouver sur un site de revente de montres volées, croit François Lambert. 

Lettre écrite à la suite de la chronique de Jean-François Nadeau du 15 janvier 2018, « Heures et malheurs »

Bonjour, Jean-François, je ne te connais pas, mais je me permets de te tutoyer, je m’en excuse d’avance.

J’ai lu ton texte, et je dois avouer qu’il est bien écrit, mais… car oui, il y a un « mais » MAJEUR.

En premier lieu, je trouve que tu prends l’approche de Bock-Côté en me critiquant gratuitement sans me connaître et sans vérifier tes sources.

Selon tes experts… Le site chrono24 ne peut être retenu comme expert, car tu sauras que la plupart des grands fabricants de montres ne permettent pas la vente en ligne. Si tu avais voulu une estimation d’expert, tu aurais pu aller voir Château d’ivoire, car c’est le seul détaillant des montres Blancpain et Girard-Perregaux à Montréal. Pour la montre du Titanic, elle ne se vend qu’à Toronto. Sinon, tu dois la faire venir de la Suisse. Ou tu aurais pu me contacter et je t’aurais fourni les factures originales.

Bien entendu, tu vas me répondre que tu n’avais pas à faire un travail journalistique, car il ne s’agit pas d’un reportage, mais d’une chronique. Tu te trompes, une chronique ne nous permet pas d’écrire ce que l’on veut. Il faut vérifier les faits également.

Certains ont des tableaux et ils en sont fiers, moi j’ai des montres et j’en suis fier. Des montres achetées avec de l’argent propre. De l’argent sur lequel j’avais payé des impôts auparavant. Et de l’argent qui m’appartient et que je dépense comme bon me semble. Ces montres représentent des moments uniques dans ma vie, d’où mon empressement.

Pour ce qui est de mon empressement, tu comprendras que l’identité des voleurs a été connue très rapidement, que plusieurs personnes ont contacté directement la police et que son camion est déjà dans le rapport de police. Alors on ne parle pas de traitement de faveur ou d’empressement, on parle de temps.

Car pendant qu’on ne fait rien, le temps file et les aiguilles continuent à tourner.

Tu sais, Jean-François, je fais partie des gens ordinaires, ne t’en déplaise.

Et si pour toi, c’est normal d’attendre des mois alors que toutes les données sont là, eh bien, tu n’as assurément pas la graine de l’entrepreneur. Car je suis entrepreneur, et pour moi, le temps c’est de l’argent et tout ce qui traîne rouille.

Et dans ce dossier, j’ai fait ce que tout citoyen devrait faire, je me suis occupé de ma cause en recueillant le maximum d’informations afin d’aider le travail des enquêteurs, je n’ai pas attendu assis en fumant un cigare en me disant : « Travaillez pour moi, chère société. » Non, je m’en occupe !

Car pendant qu’on ne fait rien, le temps joue en faveur de mon voleur et mes montres risquent de se retrouver sur un site de revente de montres volées que certains qualifieront d’expert.

Réplique du chroniqueur

M. Lambert se concentre ici à disputer le haut prix qu’il a consenti pour l’achat de trois simples montres-bracelets. Il passe ce faisant à côté de l’essentiel, qui est de voir par quel mécanisme l’horlogerie en est venue à représenter, pour des gens comme lui, un fétiche du capitalisme. Cette obsession du temps conjuguée à celle de l’argent, on la voit pourtant se dévoiler même au moment où, après des années de loyaux services, le patron offre une montre à son employé en guise de remerciement. Ce n’est pas anodin. Ce rapport à la montre, d’autant plus quand on ne cesse de nous en rappeler le prix, signifie bien plus que le peu que M. Lambert veut en voir. Quant à ce procédé qui consiste, pour un millionnaire médiatisé, à clamer qu’il est « un gars bien ordinaire », cela me semble aussi peu crédible sur le fond que lorsqu’une immense diva comme Céline Dion entreprend d’interpréter la chanson du même nom autrefois chantée par Robert Charlebois. Non, M. Lambert n’est pas du tout un homme ordinaire. Voilà d’ailleurs pourquoi ses montres volées constituent un si beau symbole à analyser en société.

Jean-François Nadeau



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