Des hommes solidaires s’unissent pour éliminer la violence à l’égard des femmes

Le besoin de nous réunir est d’autant plus urgent que nous sommes aux prises avec les retombées des dénonciations d’inconduites et d’intimidation, d’agressions et de violences sexuelles auxquelles peu de gens échappent, souligne l'auteur. 
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Le besoin de nous réunir est d’autant plus urgent que nous sommes aux prises avec les retombées des dénonciations d’inconduites et d’intimidation, d’agressions et de violences sexuelles auxquelles peu de gens échappent, souligne l'auteur. 

« Quand on voit comment des hommes ont traité d’autres hommes, comment s’étonner de la façon dont ils ont traité les femmes ? » notait la regrettée féministe Benoîte Groult. La volonté de cette dernière de comprendre le contexte de socialisation masculine peut constituer une clé de voûte pour que femmes et hommes demeurent unis contre les violences faites aux femmes.

Ce besoin est d’autant plus urgent que nous sommes aux prises avec les retombées des dénonciations d’inconduites et d’intimidation, d’agressions et de violences sexuelles auxquelles peu de gens échappent. Devant l’horreur et l’effroi causés par ces actualités, plusieurs s’interrogent avec raison sur « la bonne attitude à garder ». Certes, il ne peut y en avoir une seule, tant les contextes de violences faites aux femmes sont variés. Le fait d’en parler de plus en plus n’est pas suffisant, mais cette prise de conscience constitue une meilleure responsabilisation quant à ce fléau social mondial […].

À la lumière des révélations troublantes de l’émission Enquête à propos de femmes autochtones disparues et violentées et d’allégations impliquant la Sûreté du Québec dans ces violences et des récentes accusations de harcèlement sexuel et d’inconduite sexuelle de producteurs culturels, force est de constater que nous ne sommes pas si loin, nous aussi, de nous habituer au scandale.

Nous ne saurions ici trancher ni comparer ces événements. Là n’est pas l’objet de la présente lettre, qui se veut davantage un appui d’alliés à la cause de la lutte contre les violences faites aux femmes. Mais pourquoi serait-il si difficile pour d’autres hommes de se dire aussi solidaires de cette lutte séculaire ? Comment se fait-il que même les élus et les responsables concernés par ces violences aient tant de mal à passer des paroles aux actes, des babines aux bottines ?

Outils

 

Force est de reconnaître que c’est plus facile à dire qu’à faire et qu’il est difficile de nous défaire de la culture du relativisme culturel. Devant le pouvoir d’influence des médias et des réseaux sociaux, on pourrait se demander quel peut et quel doit être leur rôle dans la dénonciation de ces violences, mais aussi leur responsabilité dans l’outillage pédagogique de femmes victimisées et de leurs proches.

Une question qui appelle à distinguer le potentiel de conscientisation des médias sociaux de leur contribution au développement de l’esprit critique. L’éducation sexuelle numérique (à des rapports égalitaires, non violents et épanouis entre filles et garçons) représente un enjeu capital d’adaptation pour nos écoles, nos cégeps et nos universités.

Au nom de l’intégrité physique et de la diversité érotique, nous pensons qu’il est urgent d’outiller nos jeunes face à la précocité de certains comportements sexuels et à l’injonction de ce que d’aucuns appellent l’« extimité » numérique (la pression à dévoiler son intimité sur les réseaux sociaux). Une piste d’action utile pour les aider serait de leur proposer un accompagnement raisonnable et responsable dans leur socialisation numérique.

En ces temps obscurs de dénonciation et de censure plutôt que de prise de parole, de conscience et de position, de réaction tardive plutôt que de prévention inclusive, que nous est-il permis d’espérer ?

Sexisme ordinaire

 

Si la disparition récente de femmes féministes remarquables (Benoîte Groult, Simone Veil) a éteint certaines lumières, elle n’a pas freiné l’élan de leur lutte, dont les acquis restent fragiles et forcent à rester en veille en qui concerne le sexisme ordinaire. Pour autant, est-ce être trop optimiste que d’appeler à s’allier plus encore, à oeuvrer en bande, tel un castor avec l’esprit constructeur qui fît de Beauvoir un Beaver ? Est-ce trop optimiste que de poursuivre sa lutte en l’adaptant à nos réalités avec plus d’alliés et d’hommes contribuant à faire changer les mentalités et la culture à l’égard des femmes ?

Puissions-nous ici espérer votre solidarité active en cette Journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes ; pour nous bâtir un avenir plus respirable, moins anxiogène, exempt de ces tensions actuelles entre femmes et hommes […].

*Ont signé cette lettre : Michel Tremblay (dramaturge et romancier), Georges Leroux (professeur émérite, UQAM), Michel Seymour (professeur, Université de Montréal), Lawrence Olivier (professeur, UQAM), Marc Lafrance (professeur, Université Concordia), Patrick Verret (auteur), Simon Boulerice (écrivain), Christian Adam (auteur), Jean-Sébastien Bourré (auteur), Jasmin Roy (Fondation Jasmin Roy), Alain Labonté (auteur), Denis-Martin Chabot (auteur et journaliste), Karl Hardy (animateur, blogueur), Ashraf Mohamed Ahmed (architecte), Sébastien Almon (directeur, tournées et opérations artistiques, OSM), Rémi Fromentin (associé de recherche, CRCHUM), Cédric Meyer (La Gouvernance Au Féminin), Andrew D. Lindsay (La Gouvernance Au Féminin), Frank Bernard (La Gouvernance Au Féminin), Kenny Dias Medeiros (La Gouvernance Au Féminin), Patrice Benoît (Conseil central du Montréal métropolitain), Bertrand Guibord (Conseil central du Montréal métropolitain), Charles Sainte-Marie (Conseil central du Montréal métropolitain), Alexandre Taillefer (associé principal, XPND Capital).

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