Un énorme gâchis à Saint-Adolphe-d’Howard

Le lac Saint-Joseph à Saint-Adolphe-d'Howard
Photo: Municipalité de Saint-Adolphe-d'Howard Le lac Saint-Joseph à Saint-Adolphe-d'Howard

Lettre ouverte à Éric Martel, président d’Hydro-Québec

Je suis un résident de Saint-Adolphe-d’Howard depuis 1990. De par la localisation de notre maison, notre famille ne sera pas affectée directement par la défiguration du panorama sur le lac Saint-Joseph et de ses sommets montagneux résultant de l’installation des pylônes de la ligne d’Hydro-Québec qui menace cette petite localité à vocation récréotouristique.

Je veux pourtant vous faire part de mon opinion et de mes sentiments à l’égard de la terrible décision que vous êtes en train de prendre. En effet, en tant que président d’Hydro-Québec, vous avez le pouvoir d’autoriser ou de placer votre veto sur des opérations d’Hydro-Québec qui peuvent nuire à sa réputation. C’est vous qui portez, en dernier ressort, la responsabilité des actions mises en oeuvre par la société d’État. De ce point de vue, les décisions que vous prenez vous restent attachées personnellement et vous préférez probablement qu’elles le soient, comme pour certains de vos prédécesseurs, comme visionnaire plutôt que comme gestionnaire-comptable à la petite semaine.

Je suis allé m’asseoir en fin de journée, il y a quelques jours, dans le petit parc en face de l’église et de la mairie. Il y a des fauteuils Adirondack qui permettent de contempler la beauté du lac Saint-Joseph et des montagnes verdoyantes encore dans leur état de nature qui en fixent l’horizon. C’était un plaisir d’été particulièrement agréable pour moi. Et bien entendu, j’en suis venu à me demander comment des gens pouvaient venir massacrer, avec leurs immenses poteaux placés sur les sommets, cette beauté naturelle, et la richesse qu’elle représente pour une localité et une communauté. Je me suis dit qu’il ne fallait ni plus ni moins que des barbares — de bien petit niveau — pour accomplir cet énorme gâchis qui va totalement à l’encontre de la responsabilité sociale d’entreprise d’une société construite par les Québécois pour les Québécois, et pas seulement pour nourrir l’immense appétit fiscal du gouvernement du Québec.

Un signe de mépris

 

En contemplant ces petites montagnes, je pensais à celles du New Hampshire et aux paysages de l’État de New York (Northern Pass, et ligne Hertel-New York complètement enfouie sur plus de 500 km, y compris dans la portion québécoise) qui, elles, seront traitées avec respect grâce à un très long, sinon immense enfouissement des fils des nouvelles lignes internationales d’Hydro-Québec. Pour ceux qui connaissent la situation de Saint-Adolphe, et ils sont maintenant très nombreux, savoir que l’on refuse un tel enfouissement sur une distance beaucoup plus courte prend immédiatement le signe du mépris d’Hydro-Québec non seulement pour les habitants de Saint-Adolphe, mais aussi pour l’ensemble des Québécois, rappelant cet ancien sentiment d’abus colonialiste contre lequel Hydro s’est constituée grâce à des visionnaires. Inversement, ces personnes ne peuvent avoir que mépris et ressentiment pour ceux qui auront pris cette décision qui va à l’encontre des valeurs de la société que vous dirigez.

Je pense qu’au titre de président de cette grande entreprise ayant lancé de façon remarquable la modernisation du Québec, vous ne voudrez pas en rabaisser le symbole à une entreprise mesquine et arrogante défiant sa responsabilité sociale au Québec, tout en se mettant à genoux devant nos voisins du Sud. Le cas de Saint-Adolphe est aujourd’hui au Québec un élément constitutif de la réputation d’Hydro-Québec.

Monsieur le Président, ne soyez pas peureux, revenez sur ce dossier, écoutez les élus locaux et prenez la décision d’enfouir les fils de la nouvelle ligne à Saint-Adolphe-d’Howard pour ne pas défigurer, ne pas massacrer un très beau paysage et priver ses habitants de cette jouissance. Vous n’aurez plus alors à vous le reprocher tout au long de votre vie de façon distillée, et vous pourrez penser, finalement, que vous n’avez pas cédé à la barbarie et à une vision totalement dépassée du développement.

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