Des excuses de la police aux personnes LGBTQ? Il est plus que temps!

Les relations entre les communautés LGBTQ et la police se sont grandement améliorées au cours des dernières décennies, mais trop de personnes portent encore les séquelles des abus policiers, estime l'auteur. 
Photo: iStock Les relations entre les communautés LGBTQ et la police se sont grandement améliorées au cours des dernières décennies, mais trop de personnes portent encore les séquelles des abus policiers, estime l'auteur. 

Pendant ma deuxième année de droit, j’ai participé à un stage avec l’Office franco-québécois de la jeunesse. La veille de mon départ, j’ai traversé la rue Rachel, où j’habitais avec mon conjoint, pour prendre l’air sur un banc de parc, par une très belle soirée d’octobre.

Nous ignorions que le parc La Fontaine « fermait » à minuit. Peu après minuit, des voitures de police arrivaient en trombe. On nous a embarqués et amenés au poste de police. Pendant des heures, la dizaine d’hommes étaient traités de « mademoiselles », de « elles », le tout avec des allusions sexuelles.

Lorsque j’ai insisté pour avoir une date de comparution — pour une infraction à un règlement municipal — après mon retour du stage, un policier m’a dit que je pouvais « payer une caution, cash ou en nature ». J’ai porté plainte à l’instance de déontologie du SPCUM d’alors.

J’étais le seul parmi les personnes arrêtées à porter plainte. Le comité de déontologie était composé de trois policiers en uniforme. Le seul civil dans la salle était l’avocat du policier intimé. Même l’étudiant militant que j’étais trouvait l’expérience intimidante.

« Mademoiselle »

J’ai eu quelques expériences personnelles avec des abus policiers dans les années subséquentes, comme des irruptions violentes de groupes de policiers dans des bars du Village gai, qui tassaient les clients avec leurs mains et leurs épaules, pour un « contrôle ». À l’époque du sida, les gants devaient sans doute les protéger d’une infection des gens présents dans la discothèque.

Dans ma pratique professionnelle, j’ai représenté des lesbiennes et des gais qui étaient victimes de violence conjugale. Pendant les années 1980 et 1990, leurs expériences avec le Service de police étaient trop souvent négatives : après le traumatisme de la violence, la victime se faisait dire qu’« une petite bonne femme ne pouvait pas battre une autre femme » ou qu’un homme battu « aurait dû se défendre, s’il est un homme ».

Dans un cas, la victime, un homme, avait été battue à coups de pelle par son conjoint. Les policiers du poste de quartier refusaient de l’aider à récupérer ses effets personnels. J’ai dû envoyer une jeune avocate pour accompagner la victime, qui se faisait traiter de « mademoiselle » par les policiers du poste de quartier […]. Ce n’est pas pour rien que des victimes de violence conjugale lesbiennes et gaies n’osaient pas demander l’aide de la police.

Traumatisme

 

J’ai représenté des hommes arrêtés dans des descentes dans des bars gais. La dernière, au bar Taboo, a eu lieu en 2003. Des actes sexuels auraient eu lieu dans des endroits isolés des bars en question, mais tous les clients et employés étaient arrêtés. L’arrivée d’un nombre important de policiers avec des projecteurs qui criaient que tout le monde était en état d’arrestation était traumatisante.

Les responsables de la police ne comprenaient pas qu’une arrestation puisse être traumatisante. Mes clients me racontaient qu’ils faisaient des cauchemars pendant des mois. L’immense majorité des personnes arrêtées ont été reconnues non coupables, après des mois ou des années de procédures judiciaires. Beaucoup ont plaidé coupable parce qu’ils ne pouvaient pas se payer un avocat ou ne pouvaient pas s’absenter de leur travail pour un procès de longue durée.

On doit comprendre que beaucoup de ces hommes avaient connu l’époque de l’interdiction de rapports sexuels entre personnes de même sexe et les périodes de répression comme le « nettoyage » des lieux de rencontre gais par le maire Drapeau avant les Jeux olympiques de 1976. Les voisins pouvaient être homophobes et la police n’était pas d’un grand secours. La rue était une zone de danger de violence homophobe. Les seuls endroits de sécurité pour eux étaient les bars. La perte du sentiment de sécurité même dans ces endroits avait souvent un effet dévastateur.

À ces expériences s’ajoute une application discriminatoire de règlements municipaux : pour la Saint-Jean, la police tolérait la consommation de bière au parc Viau. Pour la Fierté, on donnait des constats d’infraction aux gais et aux lesbiennes dans un parc du Village pour le même geste.

Nous pourrions parler d’autres problèmes : le piège policier d’hommes gais dans des endroits de rencontre ou le traitement de femmes trans qui vivaient de la prostitution.

Il est vrai que bien des choses ont changé au cours des dernières décennies et les relations entre les communautés LGBTQ et la police se sont grandement améliorées. Trop de personnes, cependant, portent encore les séquelles des abus policiers. Pour établir une véritable relation de confiance entre ces populations et la police, cette dernière doit reconnaître les abus du passé et s’engager à avoir des pratiques exemplaires pour le présent et le futur.

Pour beaucoup de personnes LGBTQ, les blessures du passé sont encore bien présentes. Cela inclut la création de structures de concertation avec ces communautés et des mesures de formation et de sensibilisation des employés des forces de police du Québec.

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