Un projet de loi essentiel pour des milliers d’adoptés

«Des milliers d’adoptés attendant que le gouvernement ouvre la valve et qu’il redonne l’identité d’origine à ses concitoyennes et concitoyens concernés», fait valoir Caroline Fortin.
Photo: iStock «Des milliers d’adoptés attendant que le gouvernement ouvre la valve et qu’il redonne l’identité d’origine à ses concitoyennes et concitoyens concernés», fait valoir Caroline Fortin.

Lettre envoyée à la ministre de la Justice Stéphanie Vallée

Nous venons d’apprendre que l’étude détaillée en commission parlementaire du projet de loi 113 pourrait être, encore une fois, reportée à une date indéterminée, avec espoir de le voir adopté d’ici la fin du mandat du Parti libéral. Vous nous voyez tous extrêmement déçus d’un tel manque d’intérêt quant aux droits des adoptés et d’un tel manque d’écoute face à vos électrices et électeurs du Québec.

Le dépôt du projet de loi 113 a été bien accueilli à l’automne, et les consultations particulières et audiences publiques vous ont démontré l’urgence d’agir dans ce dossier qui traîne en longueur depuis de nombreuses années. Oui, quelques modifications suggérées seraient à réviser, mais ce projet fait consensus à l’Assemblée nationale, et il serait facile de l’étudier et de l’adopter rapidement, avant la fin de la présente session.

Le gouvernement est-il conscient que le fait de retarder aux calendes grecques l’adoption des modifications suggérées prive un bon nombre de personnes concernées de leur identité d’origine ?

Des milliers d’adoptés attendant que le gouvernement ouvre la valve et qu’il redonne l’identité d’origine à ses concitoyennes et concitoyens concernés. Un grand pas a été fait en octobre dernier avec le dépôt du projet de loi. N’en restons pas là, latents, jusqu’à l’automne 2017 ou l’hiver 2018. Il faut battre le fer tandis qu’il est chaud. C’est maintenant qu’il faut agir et passer rapidement à l’étude de ce projet non controversé. Oui, d’autres projets de loi sont également en attente et très importants, mais avec des enjeux autrement controversés que celui redonnant l’identité à des milliers de Québécoises et Québécois d’origine. La Commission des institutions devrait prendre quelques jours pour étudier le tout et aller de l’avant avant la fin de cette session. Il est urgent de traiter ce dossier, car la population est vieillissante, les adoptés concernés avancent en âge, sans parler des parents d’origine déjà décédés, très malades ou en fin de vie.

Le Québec archaïque?

 

Bon nombre d’adoptés finissent par se tourner vers divers types de recherches personnelles pour enfin accéder à leurs origines, notamment les tests d’ADN. Pourquoi doivent-ils faire des démarches de telles sortes, lorsque la réponse est là, dans leur dossier d’adoption, au regard de l’intervenant du Centre jeunesse qui traite la demande mais qui ne peut informer son requérant ? Celui-ci tourne les pages du dossier, les pages de l’origine de la vie de son usager, sans pouvoir lui révéler la vérité. Ne trouvez-vous pas que le Québec est quelque peu archaïque et dépassé en la matière ? Et, je ne parle ici que du volet « adoption du passé » inclus dans le projet de loi. Je fais abstraction du volet sur les adoptions coutumières autochtones. Comment se sentent les nations autochtones face à cette lenteur ? Elles qui étaient très heureuses de la reconnaissance apportée par ce projet de loi.

[…] M. Philippe Couillard prône l’importance de l’identité québécoise lors de ses sorties publiques. Par contre, de l’intérieur, l’identité de ses propres votantes et votants ne semble d’aucune importance pour lui et son équipe. De quoi le gouvernement a-t-il peur ? Y a-t-il des personnes de l’intérieur qui sont directement concernées par le sujet et qui craignent que leur nom soit reconnu comme parent d’origine ayant dû confier un enfant à l’adoption ? Si oui, vous avez prévu une période pour appliquer un refus d’informations ; ils n’auront donc qu’à exercer leurs droits. Y a-t-il des adoptés qui ne désirent pas connaître leurs origines ou certains qui ont eu de mauvaises expériences de retrouvailles ? Si oui, pour quelques cas, pourquoi priver la grande majorité des adoptés qui désirent connaître leurs origines ? Le gouvernement craint-il encore d’avoir des remontrances du clergé ? Nous ne sommes plus dans les années 1940-1950 ! Qu’en est-il exactement de ce projet de loi ? Un bonbon pour calmer les ardeurs et faire patienter calmement des milliers d’adoptés, leurs enfants et petits-enfants ? Il est plus que temps que le Québec reconnaisse ce droit.

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