Montréal est davantage résiliente face à la corruption
![«[...] La vigilance citoyenne est encore l’arme la plus puissante dans une démocratie bien portante», soutient Réal Ménard.](https://media2.ledevoir.com/images_galerie/nwd_483919_341084/image.jpg)
La médiatisation du procès de l’ex-maire de Montréal Michael Applebaum a ramené à l’avant-plan de l’actualité la nécessité pour les administrations publiques d’être extrêmement alertes et de déployer les mécanismes les plus robustes pour combattre la corruption.
Michael Applebaum est devenu maire de Montréal à la faveur d’un contexte historique qu’il faut ici rappeler. D’octobre 2012 à novembre 2013, Montréal est une ville dirigée par une coalition de partis et d’élus indépendants qui s’étaient coalisés sur la base de trois principes :
les comités exécutifs devaient être publics ;
les différents portefeuilles de responsabilité étaient assumés collégialement par des élus de Vision Montréal, de Projet Montréal et des conseillers indépendants ;
chacun des membres du comité exécutif devait faire l’objet d’une habilitation sécuritaire.
S’il est incontestable que certains mécanismes institutionnels qui auraient dû nous prémunir contre l’accession de Michael Applebaum au poste de maire n’ont pas été déclenchés, je veux soutenir le point de vue selon lequel, depuis novembre 2014, une formidable infrastructure éthique, déontologique et de surveillance des marchés publics municipaux a été déployée, tant et si bien que Montréal n’aura jamais été aussi résiliente par rapport à la corruption et aux manquements éthiques.
À l’instar de plusieurs académiciens, dont les professeures Laurence Bherer et Sandra Breux, je plaiderai que les remparts les plus efficaces contre la corruption commandent le renforcement de mécanismes et de procédures institutionnelles de protection de même que d’une culture éthique qui doit s’imposer par l’exemplarité des décideurs.
Séries de mesures
Depuis 2014, l’administration Coderre a posé trois séries de mesures qui mettent en oeuvre l’exemplarité et la défense des contribuables, la surveillance et le caractère concurrentiel des marchés publics montréalais ainsi que le renforcement de la culture éthique.
S’agissant du premier axe — la défense des contribuables et l’exemplarité —, il faut rappeler les efforts couronnés de succès afin d’obtenir la collaboration de Michel Lalonde et Lino Zambito dans la mise au jour de différents stratagèmes ayant conduit à des pratiques collusionnaires.
À noter, également, l’entente survenue entre les ex-ingénieurs Luc Leclerc et Gilles Surprenant, qui vont rembourser selon des modalités diverses près de 350 000 $ au trésor public.
Par ailleurs, la Ville de Montréal a entrepris de récupérer près de 24 millions de dollars en vertu de la Loi visant principalement la récupération des sommes payées injustement à la suite de fraudes ou de manoeuvres dolosives dans le cadre de contrats publics (loi 26).
Inspecteur général
En ce qui a trait aux marchés publics montréalais, outre le fait que le prix des contrats d’infrastructures a baissé de 10 % depuis deux ans et que de nouveaux joueurs ont fait leur entrée dans le secteur des infrastructures publiques et de la gestion des matières résiduelles, le point le plus important est la création du poste de l’inspecteur général.
Dès les premiers jours de son administration, le maire Coderre a confié à Denis Gallant le poste d’inspecteur général. Celui-ci dispose du pouvoir d’enquêter, de résilier, d’annuler ou de suspendre un contrat. Ces investigations ont permis de mettre au jour des pratiques répréhensibles dans les secteurs du déneigement, du remorquage et de la surveillance des chantiers, pour ne nommer que quelques exemples.
Finalement, le chantier de l’éthique n’a pas été en reste. Comme cela était demandé depuis plusieurs années, la ligne éthique a été transférée en juin 2014 du bureau du contrôleur général à celui de l’inspecteur général, assurant ainsi aux fonctionnaires de la Ville qui souhaitent l’utiliser un retrait total de l’administration dans le processus d’investigation.
Dans une organisation, l’éthique a pour mission de responsabiliser les individus, de les inciter à adopter les comportements les plus appropriés et d’adhérer à des valeurs mutuellement consenties. À cet égard, la Ville de Montréal est en voie d’adopter un nouveau code de conduite pour ses employés, lequel prévoit l’adhésion aux valeurs d’intégrité, de loyauté et de respect.
Qui plus est, ce nouveau code interdit d’exercer des représailles contre un employé pour le seul motif qu’il a, de bonne foi, fait un signalement ou collaboré à une vérification ou à une enquête. La logique voulant, comme le recommandait la commission Charbonneau, que l’on protège les lanceurs d’alerte.
Montréal, métropole du Québec, peut envisager l’avenir avec sérénité en ce qui concerne la résilience de ses institutions démocratiques et les mécanismes de protection existants pour lutter contre la corruption. Cependant, la vigilance citoyenne est encore l’arme la plus puissante dans une démocratie bien portante.
Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées en accueillant autant les analyses et commentaires de ses lecteurs que ceux de penseurs et experts d’ici et d’ailleurs. Envie d’y prendre part? Soumettez votre texte à l’adresse opinion@ledevoir.com. Juste envie d’en lire plus? Abonnez-vous à notre Courrier des idées.