Après la stupeur, l’inquiétude chez les écologistes à Marrakech

Pour tenter de remonter le moral des troupes, un délégué du Réseau action climat dit espérer que le président élu Trump sera peut-être plus modéré que le candidat Trump, qui affirmait en campagne que les changements climatiques sont une invention des Chinois.
Photo: Fadel Senna Agence France-Presse Pour tenter de remonter le moral des troupes, un délégué du Réseau action climat dit espérer que le président élu Trump sera peut-être plus modéré que le candidat Trump, qui affirmait en campagne que les changements climatiques sont une invention des Chinois.

Au petit matin, les rayons du soleil commencent à réchauffer les remparts millénaires de Marrakech, mais, sur le site de la COP, le réveil a été visiblement brutal pour les participants qui se pressent à la sécurité et l’ambiance est plutôt glaciale. Au briefing quotidien de la délégation canadienne du Réseau action climat (RAC), l’animatrice de la séance ne peut retenir ses larmes. On se réconforte, on se serre dans les bras, on a les yeux un peu hagards.

Au troisième jour de la Conférence sur le climat, l’élection-surprise du candidat voyou Donald Trump, que la plupart des écologistes avaient refusé d’envisager sérieusement, est évidemment sur toutes les lèvres. Sur l’écran géant de la salle de briefing, une page Facebook affiche un dessin animé mettant en vedette Donald le Canard en train de découper à la scie la frontière entre le Canada et les États-Unis, avec un restaurant Tim Horton’s en arrière-plan…

Pour tenter de remonter le moral des troupes, un délégué du RAC dit espérer que le président élu Trump sera peut-être plus modéré que le candidat Trump, qui affirmait en campagne que les changements climatiques sont une invention des Chinois et qui promettait aux mineurs de charbon du Midwest de les remettre au travail. Promesse qui semble avoir porté ses fruits, puisque tous les États charbonniers (Wyoming, Virginie-Occidentale, Kentucky et Pennsylvanie) ont voté massivement pour Dr Jekyll and M. Trump.

Première question

 

Un peu plus tard, conférence de presse des représentants du Climate Action Network United States (CAN-US), généralement assez courue, mais, ce matin, la salle déborde de journalistes et d’observateurs. Première question d’une reporter de Thomson-Reuters : « Avec l’élection de Donald Trump, l’Accord de Paris est-il mort-né ? »

Réponse du Dr Alden Meyer, directeur des politiques de l’Union for Concerned Scientists : « Il est clair que Donald Trump est aujourd’hui un des hommes les plus puissants de la planète, mais même lui ne peut pas changer les lois de la physique. »

Sourires dans la salle.

 

Meyer poursuit : « Écoutez, l’Accord de Paris découle de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, signée lors du Sommet de la Terre à Rio, en 1992, et ratifiée par 195 pays, dont les États-Unis. En théorie, ils peuvent s’en retirer, mais pas avant quatre ans. Pratiquement, ce sera difficile. Ils se retrouveraient seuls au milieu d’un consensus planétaire et ils ont beaucoup plus à gagner en participant à la transition vers une économie verte qui créera des millions d’emplois dans le monde. Une fois la poussière retombée, il est raisonnable de croire que le gouvernement américain et les entreprises ne voudront pas rater une chance historique de développer et d’exporter des technologies innovantes. Selon les derniers sondages d’opinion, près des deux tiers des Américains se disent préoccupés par les changements climatiques et 59 % disent que leurs impacts ont commencé à se faire sentir. C’est un message clair que le nouveau président ne pourra pas ignorer. »

 

Ne pas renoncer

Pour Li Shuo, de Greenpeace Chine, « quelle que soit l’attitude des États-Unis dans le dossier climatique, les autres pays continueront à agir, ne serait-ce que dans leur propre intérêt. La Chine entend poursuivre son travail sur le plan du climat, non pas pour des raisons de relations internationales ou de pressions diplomatiques, mais simplement à cause de véritables problèmes intérieurs, comme la pollution de l’air et la sécurité alimentaire. »

À côté du militant chinois, Mariana Panuncio-Feldman, experte du climat au Fonds mondial pour la nature (WWF), se veut optimiste. « Nous avons bon espoir que les nations réunies à Marrakech vont demeurer concentrées sur le travail qui reste à faire. Dans les villes, dans les communautés, la dynamique engagée pour l’action climatique n’a jamais été aussi forte. »

« Nous ne risquerons pas une catastrophe climatique planétaire devant l’opposition d’un seul homme », conclut Mohamed Adow, de l’organisation Christian Aid.

La réponse des militants de tous horizons semble être sans équivoque : certes, l’élection de Donald Trump n’est pas une bonne nouvelle pour la planète, mais elle ne fera pas couler les négociations climatiques.

En début d’après-midi, heure de Marrakech, déclaration convenue du premier ministre canadien, Justin Trudeau, sur son site Web à propos de l’élection de Donald Trump. Il rappelle que « les États-Unis sont notre allié le plus important et nous allons continuer à travailler avec eux sur les grands enjeux ».

Message repris textuellement quelques minutes plus tard, au briefing de l’équipe de négociateurs du gouvernement du Canada à la COP22. Louise Métivier, chef négociatrice, indique qu’il est « prématuré de conjecturer sur les impacts de l’arrivée d’une nouvelle administration à Washington. »

À en croire les représentants canadiens à Marrakech, c’est « business as usual ».

Officiellement, en tout cas.

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