La souveraineté populaire, fondement de la stratégie d’accession à l’indépendance

La dernière course à la chefferie du Parti québécois, lors de laquelle les candidats ont focalisé en bonne partie leurs interventions sur la tenue d’un référendum, indique que cette formation n’effectuera pas de sitôt le changement de paradigme nécessaire pour tirer le projet indépendantiste du bourbier dans lequel il s’est enlisé depuis 15 ans. Remettre ce dernier sur ses rails exigerait plutôt la mise en oeuvre d’une politique inspirée par une façon de penser et d’agir radicalement nouvelle. Il passerait d’abord par la mise en application du principe de la souveraineté populaire comme fondement de la stratégie d’accession à l’indépendance. Il impliquerait aussi qu’on cesse de réduire le projet indépendantiste à la seule dimension de la souveraineté politique de l’État québécois.
L’alpha et l’oméga de la politique québécoise ne se résument pas dans la mécanique référendaire, comme semblent penser les péquistes. Ce qui importe, en effet, ce n’est pas de tenir à tout prix un référendum lors du premier ou du deuxième mandat d’un éventuel gouvernement indépendantiste. C’est plutôt de placer le plus vite possible les citoyens au coeur de la démarche d’accession du Québec à l’indépendance afin qu’au moyen d’un exercice intensif de démocratie participative ils puissent définir eux-mêmes le projet de Constitution sur lequel ils auront à se prononcer lors du référendum qui clôturera le processus. Ce dernier serait donc inversé puisque le référendum conclurait la démarche plutôt que de la lancer. Une telle proposition signifie avant tout qu’on admette la nécessité de recourir au peuple non seulement pour dire oui ou non à la souveraineté de l’État lors d’un référendum dont la question serait dictée d’en haut comme en 1980 et 1995, mais que l’on confie le mandat à la population de définir les contours du pays dans lequel nous voulons vivre.
De façon concrète, cela signifierait l’adoption d’une loi créant une Assemblée constituante indépendante de l’Assemblée nationale, du gouvernement et des partis politiques dont les membres seraient élus au suffrage universel ou encore choisis par tirage au sort afin de refléter le mieux possible la diversité du peuple québécois. Comme premier mandat, cette dernière se verrait confier la tâche d’effectuer une vaste consultation populaire. Puis, en tenant compte des résultats de cet exercice auquel toute la population serait invitée à participer, l’Assemblée constituante rédigerait un projet de Constitution qui serait soumis au référendum qui finaliserait le processus.
Pas de projet de pays sans projet de société
En janvier 1995, le gouvernement Parizeau a mis sur pied une commission pour consulter la population sur le référendum qui devait survenir en octobre suivant. La démarche a soulevé un grand intérêt et plus de 6000 mémoires ont été présentés en l’espace de quelques semaines. De nombreux militants souverainistes ont alors réclamé que la stratégie du référendum en préparation établisse une articulation étroite entre le projet de pays et le projet de société. Un consensus s’est établi sur ce point.
Mais l’idée n’a pas été retenue par le Parti québécois et ses alliés, le Bloc québécois et l’Action démocratique du Québec. On a plutôt pris la décision de limiter la question référendaire à la souveraineté de l’État québécois et de l’associer à la négociation d’un partenariat économique et politique avec le Canada (souveraineté-partenariat). Cela équivalait à proposer un projet de pays sans contenu. Le PQ s’était servi de la commission comme une formule de marketing pour favoriser l’adhésion au « Oui ». Tant pis pour les naïfs qui avaient cru participer à un véritable exercice de démocratie participative !
Devenu premier ministre, Lucien Bouchard s’est empressé d’envoyer ce rapport encombrant aux oubliettes. Plutôt que d’approfondir la démarche vers l’indépendance en s’associant la population, son gouvernement a mis frileusement le cap sur le déficit zéro et l’attente passive de conditions gagnantes. Ses successeurs, Bernard Landry et Pauline Marois, ont conservé grosso modo cette stratégie qui a démoralisé les militants et accentué le déclin du parti. De telle façon qu’après 16 ans, le projet indépendantiste s’est affaibli. Un éventuel gouvernement indépendantiste devrait au contraire enclencher le processus dès la prise du pouvoir en faisant adopter par l’Assemblée nationale la loi créant l’Assemblée constituante.
Un règlement durable de la question nationale exige que la souveraineté politique soit liée à la souveraineté populaire, non seulement lors du référendum qui clôturera le processus, mais pendant toute la démarche qui y mènera. On doit réaliser également que le débat sur l’avenir du Québec n’appartient à aucun parti politique en exclusivité, pas plus qu’à un groupe de la société civile en particulier ni même au gouvernement ou à l’Assemblée nationale. Il appartient à l’ensemble du peuple québécois.