Fêter Montréal en réhabilitant ses espaces naturels

Le parc-nature de l’Anse-à-l’Orme, dans l'ouest de Montréal
Photo: Jean Gagnon / CC Le parc-nature de l’Anse-à-l’Orme, dans l'ouest de Montréal

« Dans la vie sauvage, repose la sauvegarde du monde » — De la marche, Henry David Thoreau

Les Montréalais devraient savoir que le dimanche 12 juin s’est tenue une importante marche de protestation, un pèlerinage en fait, pour promouvoir la conservation du plus grand espace naturel non protégé de l’île de Montréal situé à Pierrefonds. Cette manifestation a été organisée par une étudiante dévouée de l’Université Concordia, Cathou Dupuis.

Les participants ont marché 30 kilomètres depuis le mont Royal jusqu’au parc-nature de l’Anse-à-l’Orme ; plusieurs se sont joints à eux en chemin. Cette marche de huit heures avait pour but de contester les milliers d’appartements et la nouvelle « ville » que des promoteurs veulent installer dans cet environnement vierge, un projet qui a l’assentiment de l’administration Coderre.

Nous soutenons qu’il s’agissait d’une manifestation beaucoup plus pertinente aux célébrations de Montréal que les millions dépensés pour des « souches » de granit installées sur le mont Royal ou des jeux de lumière sur le pont Jacques-Cartier.

Plus de 10 000 Montréalais ont signé une pétition pour conserver les espaces naturels de Pierrefonds. Nous pouvons certainement mieux honorer Montréal en conservant et en réhabilitant ce qu’il reste de sa biodiversité, ses écosystèmes, ses arbres, ses plantes, ses milieux humides, ses forêts, ses oiseaux et ses mammifères.

Disparition des espaces verts

 

Le 17 juin, nous avons souligné la Journée mondiale de lutte contre la désertification des Nations unies. La destruction de la nature sur notre île par l’implantation de copropriétés et des infrastructures qui y sont reliées représente un type de « désertification urbaine ». Nous en sommes à la sixième année de la Décennie des Nations unies pour la biodiversité, une initiative qui vise à demander aux gouvernements de prendre soin de l’environnement, de la Terre. Un nombre croissant de nos citoyens comprennent le besoin de soigner notre Terre.

Puisqu’un pourcentage important des espaces naturels a déjà été détruit, nous avons besoin d’une politique de non-destruction des espaces verts restants. Des études ont montré qu’en 1966 45 % du paysage de l’île de Montréal affichait une connectivité verte élevée, un pourcentage réduit à 6,5 % en 2010. Nous ne voulons certainement pas continuer sur cette voie de la destruction.

En mai, une nouvelle étude intitulée State of North America’s Birds (L’état des oiseaux d’Amérique du Nord), menée par le North American Bird Conservation Institute, annonçait que le tiers des oiseaux d’Amérique du Nord est menacé d’extinction. C’est précisément ce type de destruction des habitats des oiseaux, à des fins de profit, que constitue l’énorme projet de copropriétés prévu à Pierrefonds, qui vulnérabilise les oiseaux.

Plusieurs des 219 espèces d’oiseaux observées dans le secteur de Pierrefonds — bientôt sacrifié par la mise en valeur domiciliaire — sont en danger et considérées comme menacées par le très respecté Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC). Elles figurent aussi sur la liste du ministère de l’Environnement du Québec. Plusieurs sont des espèces migratoires. Nos politiciens municipaux et nos promoteurs ignorent peut-être qu’en vertu de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs (Canada/É.-U.), ces oiseaux, leurs nids, leurs oeufs et leurs oisillons ne devraient d’aucune façon être mis en danger. Parmi ceux-ci on retrouve la sturnelle des prés, la grive des bois, le goglu des prés, l’hirondelle rustique, le martinet ramoneur, la paruline du Canada, l’hirondelle de rivage et autres.

Poissons, couleuvres et fougères rares

 

On a compté jusqu’à cinquante-neuf zones humides dans le secteur de Pierrefonds convoité par les promoteurs, zones qui abritent non seulement de nombreuses espèces d’oiseaux, mais aussi des amphibiens, des mammifères, des reptiles, des insectes, des plantes et des arbres. La rivière à l’Orme voisine abrite des populations de poissons. On retrouve aussi dans ce secteur des cerfs, des salamandres, des couleuvres brunes et tachetées. Plus de 160 espèces de plantes et d’arbres ont été recensées, dont des espèces menacées comme la sanicle et le noyer cendré et des fougères rares.

Le comité exécutif de la ville de Montréal ne mesure pas toute la sensibilité de cette zone qui forme une vaste région naturelle avec les parcs-natures du Cap-Saint-Jacques et de l’Anse-à-l’Orme, la réserve d’oiseaux de Senneville, l’Arborétum Morgan, l’Ecomuseum et la Rivière-à-l’Orme. Nous ne pouvons détruire un tel endroit en espérant qu’il n’y aura aucun impact sur les écosystèmes voisins. Ces divers éléments devraient être interreliés avec des espaces verts rehaussés et devraient faire l’objet d’un statut particulier. Nous devons en fait réaliser l’objectif d’une ceinture verte reliant tous les écosystèmes de l’île de Montréal.

N’oublions pas que, le 6 novembre 1992, le Canada signait la Convention sur la diversité biologique. En introduction, on peut lire que « les menaces qui pèsent sur les espèces et les écosystèmes n’ont jamais été aussi grandes. La disparition d’espèces en raison des activités de l’homme se poursuit à un rythme alarmant ». La Ville de Montréal, par ses élus et son administration, ne montre toujours pas, contrairement à sa population de plus en plus sensibilisée, qu’elle est prête à prendre soin de la Terre et à lui accorder le respect qu’elle mérite, mais obtient rarement.

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