Perspectives indépendantistes après PKP

Depuis la défaite électrochoc du PQ en avril 2014, la perspective indépendantiste a changé. Virtuellement rayé de la discussion politique depuis l’après-référendum de 1995, le projet d’indépendance a refait un retour en force : on s’est rappelé qu’un PQ sans l’article 1 n’avait plus de véritable raison d’être. Auparavant, en l’absence d’une orientation claire, l’engagement ferme à tenir un référendum constituait par défaut un gage de « foi » indépendantiste. L’élection de Pierre Karl Péladeau comme chef, à cause justement de ses convictions indépendantistes, a cependant confirmé ce virage, ce qui relativise quelque peu la nécessité d’un échéancier référendaire serré, d’autant plus que l’abandon de l’argumentaire pro-indépendance depuis 1995 a laissé les militants confus. Eux-mêmes l’admettent.

Les raisons fondamentales de l’indépendance n’ont guère changé, elles se sont même confirmées. Mais la vieille génération de militants les a plus ou moins oubliées et les plus jeunes les ignorent. Il s’ensuit que dans leurs rangs, tout comme au sein de la population en général, peu de gens ont une vision à la fois globale et articulée de ce que signifierait concrètement un Québec indépendant. Prioriser l’éducation ou concilier travail et famille constituent des objectifs très souhaitables, mais ce n’est pas un projet de pays ! Il faut voir pas mal plus vaste.

L’effet Trudeau

Devant le régime Charest-Couillard, marqué par le renoncement volontaire à faire valoir devant Ottawa les revendications autonomistes du Québec et à promouvoir le renforcement de son action internationale, l’habileté trudeauiste à promouvoir à l’international une image forte et positive du Canada fait mal paraître nos timorés provinciaux réfugiés en dessous du lit. De plus, devant le zèle de démolition de la social-démocratie québécoise pleinement assumé par le gouvernement Couillard, le gouvernement Trudeau fait figure de souverain éclairé, socialement pas mal plus sympathique. Cela crée sur l’opinion québécoise, momentanément en tout cas, un effet qui doit être pris en considération.

Besoin de temps

 

Les indépendantistes ne sont tout simplement pas prêts à engager une bataille référendaire d’ici 2018 (ce qui serait le cas si le PQ s’engageait à tenir un référendum durant un premier mandat). Ils ont besoin de temps pour retrouver leurs marques, se rassembler entre eux et surtout, répondre de manière satisfaisante, donc sans précipitation, au questionnement légitime des Québécois quant à la vision qu’ils proposent de leur destin collectif. Étant donné ces conditions, la position défendue par Jean-François Lisée relève d’un sain réalisme politique qui pourrait rallier les autres candidats à la chefferie du PQ, sinon à la personne au moins à la position.

Il ne s’agit pas d’attendre l’arrivée providentielle de conditions gagnantes, ni de prouver sa pureté en fonçant tête nue contre le mur, ou de raccourcir le calendrier dans l’espoir que se déclenche magiquement, à la date décrétée, la mobilisation tant désirée, mais de construire patiemment la victoire. Sans tergiversation, cependant. C’est précisément le rôle d’un parti de militants, sachant que le gouvernement en étant issu serait essentiellement occupé ailleurs. Toutefois, cela suppose qu’un tel parti ne se comporte pas comme un simple écho du gouvernement, mais que ses militants aient les coudées franches pour travailler, entre eux comme avec tous les autres désireux de se joindre au chantier, à l’objectif qui motive leur engagement, sans attendre constamment l’approbation ou les mots d’ordre de la « machine ». À défaut de quoi, un gouvernement péquiste risquerait de glisser une fois de plus dans le piège du bon gouvernement provincialiste.

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