Un jupon qui dépasse

Monsieur Gaétan Barrette,

L’idée de changer le mode de budgétisation des établissements de santé, en passant du mode dit « historique » au mode dit « par épisode de soins », n’est pas nouvelle. Elle recueillait depuis plusieurs années des appuis non négligeables dans l’ensemble du réseau. Que vous soyez déterminé à utiliser cette approche de financement, bravo ! Le pouvoir absolu d’imposer ce changement, vous vous l’êtes déjà attribué. Mais profiter de l’occasion pour faire un pas de plus, un grand pas de plus, vers les cliniques privées, dépasse l’entendement.

Que cherchez-vous à faire ou à démontrer par votre projet pilote ? Du point de vue méthodologique, votre approche ne tient pas la route. Comment pouvez-vous prétendre définir une norme (ici, de financement) à appliquer à un ensemble en la validant sur la fraction la moins représentative de cet ensemble. Au bout du compte, ce biais méthodologique ne peut conduire qu’à des décisions arbitraires, ce qui ne semble pas vous troubler. La patinoire est libre puisque le réseau est muselé et a perdu toutes ses voix sentinelles. « Le Réseau, c’est moi ! Protectrice du citoyen, connais pas ; Défense des usagers, connais pas ; Association des établissements, de l’histoire ancienne ! » Bon, je m’égare. Revenons à l’arthroscopie du genou.

Pour que le projet pilote que vous proposez soit valable, et surtout valide, il faudrait d’abord définir clairement son objectif. Est-ce pour renforcer votre parti pris pour les cliniques privées ou pour définir le coût moyen d’un véritable épisode de soins pour un patient ayant un problème aigu ou chronique du genou. Déjà là, on voit que l’arthroscopie n’est qu’une procédure spécialisée qui s’inscrit dans l’épisode de soins. Pour moi, ce genou douloureux appartient à un patient qui a un problème de santé. La tarification des actes spécialisés demeure vraiment votre hantise !

Monsieur le ministre, votre jupon dépasse et il dépasse grossièrement ! Si vous désiriez mener un projet pilote, vraiment crédible, concernant l’implantation d’une nouvelle approche de budgétisation, vous devriez vous faire aider sur le plan méthodologique. On ne peut pas être bon dans tout, n’est-ce pas ! Il existe dans le réseau universitaire québécois des experts en administration des services de santé qui pourraient, à partir d’une bonne question, planifier et réaliser un vrai projet pilote, permettant un certain degré de généralisation. On ne va quand même pas, à coût de millions, faire un projet pilote faussé, en faveur des cliniques privées, pour chaque procédure spécialisée.

Enfin, puisque le coût moyen d’un épisode de soins vous préoccupe, avec raison, j’aimerais réfléchir avec vous à la question qui suit. Comment se fait-il que, dans notre réseau, un même acte médical, posé dans le même environnement de soins, par un médecin reconnu compétent pour le poser par le Collège des médecins, est tarifé différemment, selon que le médecin est un spécialiste ou un médecin de famille. C’est la réalité dans la plupart des services d’urgence, en obstétrique, en gériatrie, en anesthésie, et vous le savez ! Croyez-vous vraiment que le retrait des médecins de famille de l’hôpital pour y ramener les spécialistes se fera sans augmentation des coûts pour le réseau ?

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