Réfugiés: au sujet de notre ambivalence

Photo: Michaël Monnier Le Devoir

La plupart des Québécois sont accueillants et généreux et l’ont montré à maintes reprises. Si plusieurs paraissent l’être moins devant la perspective de recevoir des dizaines de milliers de réfugiés syriens en un court laps de temps, c’est pour des motifs qui ont beaucoup à voir avec le sentiment d’être peu écoutés et respectés par leurs gouvernants, tant à Ottawa qu’à Québec.

Avant même qu’il ne soit question d’accueillir ces réfugiés, il y avait déjà un malaise dans la population devant le manque de détermination de nos dirigeants à poser des gestes concrets pour affirmer haut et fort nos valeurs et notre identité, établir des règles claires du vivre-ensemble, baliser les demandes d’accommodements et rassurer sur le plan de la sécurité.

Alors que plus de 90 % des Québécois trouvent carrément anormal qu’une femme prête serment le visage recouvert d’un niqab le jour même où elle va devenir citoyenne du Canada, notre gentil premier ministre, lui, trouve ça normal et ne fait rien pour que ça ne se reproduise plus. N’est-il pas légitime de se demander jusqu’où cela va nous conduire et si traiter une minorité avec respect implique d’avoir la moindre exigence à son égard ? Pourtant beaucoup de musulmans nous répètent de nous tenir debout et d’affirmer davantage nos valeurs, comme l’égalité homme-femme et la séparation entre le religieux et le profane, de façon à fournir des points de référence favorisant leur propre intégration et à enlever du pouvoir aux intégristes et autres radicaux.

Pourquoi, par ailleurs, lorsque nos services de sécurité connaissent déjà des intégristes soupçonnés de préparer des actes terroristes, comme à Saint-Jean-sur-Richelieu et à Ottawa, doivent-ils n’intervenir qu’après ces tragédies ? En France aussi d’ailleurs, où trop souvent l’intolérable est toléré, la plupart des tueurs fous du 13 novembre étaient déjà fichés. Ces faits n’ont rien de rassurant.

Bien sûr, la grande majorité des musulmans n’ont rien à voir avec les islamistes et autres extrémistes, ils désapprouvent les actes de ces derniers et ne demandent qu’à vivre en paix. Mais tout le monde sait que quelques individus radicalisés, bien organisés et bien armés, peuvent causer d’énormes dégâts. S’il est vrai que nous sommes en guerre, une guerre non conventionnelle mais une guerre quand même, déclarée aux démocraties occidentales par les islamistes, il faudrait peut-être que nos élites enlèvent leurs gants blancs. Ce qu’on considère comme étant nos principes démocratiques nous protège-t-il… ou cela nous rend-il plus vulnérables ? Quel équilibre faudrait-il établir entre liberté et sécurité ? Pourquoi ne pas en discuter franchement sur la place publique, en oubliant pour une fois la langue de bois et la rectitude politique ?

En réaction au geste regrettable mais quand même isolé d’un individu ayant arraché le niqab à une musulmane à Montréal cet automne, fallait-il qu’une motion contre l’islamophobie soit présentée à l’Assemblée nationale ? Personne ne voulant passer pour islamophobe, la motion a été adoptée à l’unanimité, comme s’il s’agissait au Québec d’un vaste problème — et au grand plaisir des radicaux islamistes dont nous avons ici quelques représentants. Voilà une arme de plus à la disposition de ces derniers pour clouer le bec de ceux qui osent dénoncer leur action ou simplement exprimer des craintes légitimes. Paradoxalement, aucune dénonciation de l’Assemblée nationale concernant les milliers de chrétiens du Moyen-Orient qui depuis quelques années déjà sont massacrés et chassés de leurs terres ancestrales par les extrémistes se réclamant de l’islam !

Par ailleurs, au Québec, depuis des années déjà, beaucoup de personnes ayant acquis un diplôme à l’étranger ont des difficultés à le faire reconnaître de façon juste et respectueuse. Des ordres professionnels sont complices à ce sujet. Ce problème devrait être résolu depuis longtemps. Faut-il le souligner ? Ne pas trouver ici d’emploi convenable, surtout lorsqu’on avait une compétence reconnue dans son pays, peut devenir très frustrant et une grave entrave à l’intégration.

Il y a plus de 40 millions de réfugiés dans le monde en ce moment, dont une dizaine de millions qui ont dû fuir la Syrie en guerre. Il est évidemment prioritaire de tout faire pour mettre fin aux guerres, et la solution idéale pour ces millions de réfugiés serait qu’ils puissent retourner dans leur pays, ce qu’ils préféreraient certainement, mais cela est impossible. Il faut donc composer avec les événements. Tout en espérant que nos gouvernants répondent au plus tôt à nos légitimes préoccupations, ouvrons donc nos portes et nos coeurs aux milliers de réfugiés sélectionnés à notre intention et tout aussi désireux que nous de vivre en paix. Nos services d’accueil, incluant de nombreux bénévoles, sont d’ailleurs disposés déjà à faire le maximum pour que tous se sentent les bienvenus et puissent s’adapter dans les meilleures conditions à leur nouveau pays, en espérant qu’ils s’y intègrent tous un jour. Pour cela, beaucoup dépendra de chacun de nous.

Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées en accueillant autant les analyses et commentaires de ses lecteurs que ceux de penseurs et experts d’ici et d’ailleurs. Envie d’y prendre part? Soumettez votre texte à l’adresse opinion@ledevoir.com. Juste envie d’en lire plus? Abonnez-vous à notre Courrier des idées.

À voir en vidéo