Les chauffeurs de taxi n’ont plus rien à perdre

Devant la confusion engendrée par Québec, les intermédiaires, les chauffeurs et les propriétaires de taxis et limousines sentent qu'on leur tire le tapis sous les pieds.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Devant la confusion engendrée par Québec, les intermédiaires, les chauffeurs et les propriétaires de taxis et limousines sentent qu'on leur tire le tapis sous les pieds.

Monsieur le premier ministre Philippe Couillard,

Si vous vouliez perdre la confiance et susciter la colère des travailleurs de l’industrie du taxi, vous semblez avoir trouvé la meilleure façon de le faire. Aujourd’hui, la situation apparaît explosive, et vous en êtes le premier responsable.

Toute notre bonne volonté envers votre gouvernement se transforme désormais en méfiance légitime, aussi légitime que la colère qui s’installe de plus en plus fortement chez les travailleurs de cette industrie.

Depuis des mois, les intermédiaires, les chauffeurs et les propriétaires de taxis et limousines acceptent que leurs représentants soient beaux joueurs, participent aux consultations et réfléchissent aux façons de moderniser l’industrie du taxi. Nos organisations, les plus représentatives de l’industrie québécoise du taxi, ont travaillé ainsi. Nous avons produit des mémoires importants dans un contexte où le ministre des Transports était on ne peut plus clair. Robert Poëti l’a dit et répété : UberX, dans sa forme actuelle, ne sera pas toléré, les illégaux seront réprimandés. Cela a calmé le jeu.

Au lendemain de cet exercice de consultation, vous avez déclaré qu’UberX est « une bonne idée ». Nous avions du mal à en croire nos oreilles. Le mépris pour 22 000 travailleurs québécois était saisissant.

Mais, pour ne pas sauter aux conclusions, nous avons choisi une voie constructive. Nous vous avons demandé publiquement de préciser votre pensée. Vous ne l’avez pas fait. Nous avons organisé une manifestation pacifique partout au Québec, dans la métropole, dans la capitale et de Rouyn-Noranda à Rivière-du-Loup, en passant par La Baie et Thetford Mines. Trois mille cinq cents travailleurs, ayant parfois de la difficulté à contenir leur colère, vous ont demandé de façon disciplinée, mais déterminée, la même chose. Encore là, mépris, vous n’avez pas bougé d’un iota. Au mieux, vous avez fait dire à votre attaché de presse que la position de Robert Poëti était celle du gouvernement. Vous voulez qu’on y croie, mais votre silence était très éloquent.

Vos déclarations de vendredi dernier, à la sortie de votre caucus, selon lesquelles UberX est un phénomène incontournable pour lequel les lois doivent être changées, ont mis le feu aux poudres. Comment pouvez-vous, avec autant de désinvolture et d’imprécision, traiter d’un sujet aussi délicat et explosif ?

Sans préciser votre pensée, encore une fois, vous avez dit que les chauffeurs d’UberX devaient avoir des permis. Vous avez ajouté qu’ils devaient avoir des assurances commerciales. Ces permis seront-ils les mêmes que ceux des taxis ? Pas de précisions. Ces assurances seront-elles les mêmes que celles des taxis ? Pas de précisions. Allez-vous créer deux réglementations pour le même service, c’est-à-dire le transport de personnes ?

Flou total

 

Devant la confusion que vous engendrez, par dessein ou par accident, les intermédiaires, les chauffeurs et les propriétaires de taxis et limousines sentent que vous leur tirez le tapis sous les pieds. C’est le gagne-pain de leur famille qui est menacé. C’est de leur patrimoine investi qu’ils risquent d’être spoliés. Pour plusieurs, il n’est pas question de se laisser faire.

Votre vision conduit ces travailleurs à la détresse. Elle est compréhensible. Imaginez que, du jour au lendemain, votre maison ne vaille plus rien parce que le gouvernement a pris une décision arbitraire. Vous avez payé l’hypothèque ? Tant pis. Ça vous a pris plus de deux décennies ? Tant pis. C’est à peu près ce que vous êtes en train de faire pour 22 000 familles du Québec.

Vous conduisez des propriétaires à devenir locataires de leur propre maison. Vous parlez d’économie du partage, mais vous cherchez à légaliser une activité économique qui s’inscrit pourtant en parallèle de nos lois et de nos règles. Vous avez qualifié UberX de « covoiturage rémunéré ». Par définition, le covoiturage n’est pas rémunéré. C’est même interdit par la loi. Selon vous, il y a « un flou autour d’UberX ». De quel flou parlez-vous ? La loi actuelle est pourtant claire. Pour faire du transport de personnes, ça prend un permis de taxi. Le faire sans permis, c’est faire du taxi illégal, point final.

Nous avons cherché le dialogue. L’insoutenable provient de ce que vous dites. Vous devez prendre conscience que vos déclarations peuvent amener les intermédiaires, les chauffeurs et les propriétaires de taxis et limousines à croire qu’ils n’ont plus rien à perdre. Cette impression, c’est vous qui l’avez créée, Monsieur le premier ministre, par vos propos vagues et contradictoires.

De toute évidence, nous devons vous faire connaître la réalité du terrain. Nous voulons la paix sociale dans l’industrie. Nous vous invitons donc à une rencontre pressante pour discuter d’une possible sortie de crise. Nous pourrons vous expliquer notre vision de l’équité, à laquelle vous avez fait référence publiquement.

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