Messieurs, mettez-vous en colère!

Une commission parlementaire sur les agressions sexuelles s’est terminée il y a quelques jours, avant que ne débutent très bientôt des Forums itinérants annoncés en novembre dernier par la ministre Stéphanie Vallée, et qui porteront sur le même sujet. Devant la table de l’Assemblée nationale, ont défilé des représentants d’un nombre important de regroupements de femmes des CALACS (Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel), du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, de la Fédération des femmes du Québec, de Femmes autochtones du Québec, du Conseil québécois LGBT, etc. Voilà beaucoup de voix, un chœur qui fait écho à celui qu’on a entendu monter l’automne dernier dans la foulée de l’affaire Ghomeshi et du mouvement #AgressionNonDénoncée. Voilà une somme considérable de travail dans le but de dénoncer la violence sexuelle et de tenter de conscientiser le gouvernement ainsi que la population du Québec. Encore une fois.

Le fléau de la violence contre les femmes (quelles qu’elles soient, comme celle qui s’exprime contre les personnes LGBT et d’autres groupes minorisés) est dénoncé depuis des décennies. Il a été documenté mille fois, dans des centaines de pays, par des milliers de femmes et de militants, de chercheurs et de personnalités publiques. Ainsi, on pourrait dire que tout a été dit sur la question, tout ce qu’il faut savoir pour comprendre combien il est non seulement difficile mais dangereux pour les victimes de dénoncer leurs agresseurs. Et pourtant… Comme si la statistique rappelée sans cesse — le fait que seulement 10 % des victimes dénoncent — ne représentait pas une preuve suffisante ; comme s’il s’agissait de mots jetés en l’air, on continue partout à marteler cette injonction faite aux femmes : vous devez dénoncer !

L’actualité la plus récente n’en finit plus de pointer l’impunité des agresseurs et la manière dont la société pactise avec une violence sexuelle endémique. Devant une telle surdité, il y a de quoi être en colère ! Les représentants qui se sont présentés à la table de la commission parlementaire pour tâcher de convaincre la ministre de l’urgence d’un plan d’action efficace s’assurent de montrer clairement combien il est important de lier la violence sexuelle à un sexisme systémique. Rien n’y fait. On dirait un problème à sens unique. Des victimes se font agresser, mais les agresseurs sont invisibles ; ils ne font pas partie de l’équation.

Quand est-ce que des voix d’hommes se lèveront pour reconnaître les dommages qu’entraînent un climat sexiste et la culture du viol qui en découle, un climat et une culture dont ils font partie ? Quand est-ce que les hommes seront prêts à entendre le bruit ambiant qui leur demande de changer les règles de leur jeu ? Il ne s’agit pas ici d’accuser, mais de mettre dans le coup tous ceux qui ne sont pas d’accord avec des comportements, violents et moins violents, graves et moins graves, autant ordinaires qu’extraordinaires.

Encore interpellées et indignées, les femmes parlent, crient, hurlent même, pendant qu’une majorité masculine reste silencieuse. Elles sortent encore dans la rue et manifestent contre les coupes dans les services publics, des coupes qui les affectent et qui risquent de mettre en péril des droits qu’elles croyaient acquis. Mais ce sont aussi les voix des hommes qu’on attend. Des voix qui diront que le sexisme et la violence sexuelle, ça existe, et ça suffit. Les femmes n’ont plus à soigner les hommes. Elles n’ont pas à porter, encore et toujours, l’odieux de dénonciations qui, au final, visent à rendre cette société plus vivable pour tout le monde. Les femmes ne peuvent pas être seules responsables du changement. Le moment est venu pour que les hommes se placent du côté des femmes et parlent avec elles.

Le problème dépasse le fait de dénoncer, ou non, celui qui nous a agressées. Il a à voir avec l’obligation, pour les hommes, d’accepter de s’identifier aux femmes, d’entendre vraiment ce qu’elles disent, et de contribuer à changer les choses.

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