Le rôle de la «CAP», au-delà de la farce et des feux de la rampe

Malgré quelques défis, la CAP est une institution reconnue pour sa compétence et sa culture propre, tant au Québec qu’ailleurs dans le Commonwealth, rappelle Sylvain Gaudreault, qui cosigne ce texte avec Gérard Deltell et Richard Merlini.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Malgré quelques défis, la CAP est une institution reconnue pour sa compétence et sa culture propre, tant au Québec qu’ailleurs dans le Commonwealth, rappelle Sylvain Gaudreault, qui cosigne ce texte avec Gérard Deltell et Richard Merlini.

Dans son éditorial du 18 février (« Farces de contrôle »), Le Devoir rappelle avec justesse que Duplessis « déculotte » Vautrin. Cela semble le début d’une farce, mais c’est plutôt une page marquante de l’histoire du contrôle parlementaire. Avec son caractère non partisan, la Commission de l’administration publique (CAP) continue de faire un travail minutieux de reddition de comptes. Cela se fait souvent dans l’ombre, loin des anecdotes qui attirent trop souvent l’attention médiatique et dans un esprit de collaboration qui lui est propre.

Cet éditorial a remis en doute la rigueur de la CAP quant au contrôle des dépenses publiques. Il remettait en question même le réel intérêt des parlementaires d’assurer un tel contrôle qu’il qualifiait alors de farce. Un élément central et distinctif de la CAP est son caractère non partisan qui découle d’une tradition établie depuis 1861 au Royaume-Uni. C’est d’ailleurs pourquoi la présidence est toujours occupée par un membre de l’opposition officielle. De plus, deux postes de vice-président sont pourvus par des représentants du gouvernement et du deuxième groupe d’opposition. Cette non-partisanerie est facilitée par la pratique de ne pas remettre en question l’opportunité des politiques, mais de s’attarder plutôt à l’utilisation efficiente des fonds publics. La semaine dernière, lors de son audition sur son rapport annuel de gestion, le vérificateur général (VG) reconnaissait que, dans une optique de saine gestion des fonds publics, la CAP est essentielle dans notre démocratie, et que l’aspect non partisan y joue pour beaucoup.

Mandat trop vaste

 

Une des fonctions de la CAP est la vérification des engagements financiers du gouvernement de plus de 25 000 $. Ce montant, qui a été fixé en 1966, représente aujourd’hui plus de 175 000 $ en dollars constants. Ainsi, considérant les ressources à notre disposition, il est difficile d’étudier aussi efficacement que nous le voudrions plus de 22 000 engagements financiers pour la seule année 2013-2014 et qui sont déjà par ailleurs souvent contrôlés par d’autres mécanismes. C’est pourquoi nous entamons un processus afin d’optimiser nos pratiques. Faut-il hausser le seuil en question ? Faut-il plutôt se donner une procédure d’examen aléatoire ou sur la base de critères qualitatifs ? Ce questionnement est la démonstration que nous nous soucions de notre capacité à remplir nos fonctions de manière rigoureuse et transparente, et ce, dans l’intérêt public. Une modification au mandat de la CAP nécessiterait alors un changement au règlement de l’Assemblée nationale.

Essentielle collaboration

 

La CAP a aussi le mandat d’entendre le VG sur son rapport annuel de gestion, mais également les sous-ministres et dirigeants d’organismes sur leur gestion administrative. Lorsque la commission est préoccupée par des enjeux soulevés par le VG, elle peut décider d’entendre le ministère ou l’organisme en question. La collaboration entre le VG et la CAP joue un rôle déterminant dans la reddition de compte et l’imputabilité des hauts dirigeants de la fonction publique. À titre d’exemple, la CAP a entendu le ministère de l’Environnement sur sa gestion du Fonds vert et entendra bientôt la Régie des alcools, des courses et des jeux. L’automne dernier, la CAP a tenu trois séances de travail, sept auditions publiques et cinq réunions du comité directeur, et ce, sur neuf semaines de travaux réguliers du parlement.

À la suite des audiences, les députés membres, par consensus de tous les partis, émettent des recommandations. Fait intéressant, depuis cinq ans, le VG effectue un suivi de la mise en oeuvre de ces dernières. C’est ainsi qu’en 2013-2014, toutes les recommandations suivies avaient réalisé des progrès jugés satisfaisants par le VG, ce qui témoigne de l’attention et du sérieux accordés à nos recommandations par les ministères et les organismes.

Malgré quelques défis, la CAP est une institution reconnue pour sa compétence et sa culture propre, tant au Québec qu’ailleurs dans le Commonwealth où elle est souvent désignée comme « comité des comptes publics ». Le VG rappelait la semaine dernière que la Fondation canadienne pour la vérification intégrée voit la CAP comme un leader au Canada dans sa façon de faire, dans ses audiences et dans ses interactions avec les ministères, les organismes et son bureau. Le 3 février, lors de son passage devant la CAP, le secrétaire du Conseil du Trésor a également mentionné que le trio formé par son ministère, le VG et la CAP devait nécessairement fonctionner en étroite collaboration et que cela rendait encore plus efficaces les contrôles des dépenses publiques.

Nous sommes heureux de l’attention grandissante accordée à cette commission. Loin d’être une farce, la CAP joue un rôle primordial dans le parlementarisme. Toutefois, une attention constante à ses travaux permettrait de démontrer tout le sérieux de sa démarche non partisane et contribuerait à lutter contre le cynisme. Les médias gagneraient alors à couvrir davantage les travaux en commission parlementaire au-delà des joutes politiques ou de la période des questions.

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