Formation générale en péril, ministre muet
Enseignant de français et littérature au Cégep de l’Outaouais, je suis aussi responsable d’un comité consultatif qui relève de votre ministère : le Comité des enseignantes et enseignants de français (CEEF). Aujourd’hui, fort de l’appui de nombreux départements de formation générale collégiale, je vous écris pour vous faire part de nos doléances et de nos craintes quant à l’avenir de la formation générale collégiale.
À votre arrivée au pouvoir, les fonctionnaires nous ont confirmé ce que les médias nous avaient déjà appris : il y aurait des compressions importantes dans l’ensemble de la fonction publique ; en conséquence, on ne pouvait avant le mois d’août nous communiquer nos mandats annuels ni le montant des ressources consenties pour les honorer. Ils ont tenté de nous rassurer en réaffirmant l’importance des comités consultatifs d’enseignantes et enseignants qui permettent au ministère de garder un lien privilégié avec le « terrain ».
Ne recevant pas de nouvelles du ministère au mois d’août comme entendu, j’ai tenté d’obtenir certaines confirmations. Plusieurs de mes courriels sont demeurés lettre morte. C’est un manque de courtoisie élémentaire. Au mois de décembre, on m’apprenait, au téléphone, que les comités d’enseignants ne recevraient ni mandat ni ressources cette année. Entre-temps, le rapport Demers était déposé et vous le receviez avec grand enthousiasme, affirmant d’emblée que vous donneriez suite aux recommandations qu’il contient. Bref, alors qu’un rapport important propose de changer l’entièreté de la formation collégiale, y compris l’Épreuve uniforme de français, vous vous empressez de couper les ponts avec les enseignants. Le réflexe inverse nous eût paru plus à propos.
Sans que je puisse me l’expliquer, on m’a tout de même convoqué pour assister à une rencontre du Comité de coordination des épreuves uniformes de langue d’enseignement et littérature. Sans ressources compensatoires, cette responsabilité s’ajoute à ma tâche d’enseignement. Ce type de travail était encore l’année passée compensé financièrement. Il est déloyal de changer les règles du jeu avant la fin de la partie.
Ce changement soulève d’ailleurs d’autres questions : comment le ministère peut-il prétendre à une réelle consultation lorsque le responsable n’a ni mandat ni possibilité de consulter ses collègues ? Est-ce là toute la reconnaissance que vous avez à l’égard des enseignants ? Quoi qu’il en soit, à ce compte, les comités d’enseignants n’ont plus rien de consultatif.
Au regard des offres patronales de renouvellement de conventions collectives et de la dévalorisation de l’enseignement qu’elles laissent transparaître, nous sommes perplexes. L’incertitude que vous entretenez et votre refus de nous consulter dans le contexte actuel laissent penser que vous avez de grands projets qui nous excluent. Nous vous demandons donc de clarifier vos réelles intentions quant à l’avenir des comités d’enseignants. Ce serait un minimum de respect pour les enseignants qui s’investissent réellement dans la cause et qui vivent dans l’incertitude. Ce ne serait certainement pas superflu pour la cause de la formation collégiale elle-même. Sachez que, pour notre part, nous refusons le silence que vous nous imposez.